Chapitre 9-1

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Il déteste cet endroit. Rory se retrouve cloitré entre ces quatre murs qui le rendent claustrophobe. Assis face à un bureau, il regarde les sièges vides autour de lui, une en face, deux à ses côtés. Son pied tressaute, battant le sol à un rythme irrégulier, le tic-tac incessant de l'horloge sur le bureau pour seule compagnie. La lumière feutrée lui grille la rétine, renforcée par ces murs aux formes simili-antiques d'un beige usé. Puis ses pensées s'emportent, se concentrant sur les raisons de sa présence en ces lieux.

À peine a-t-il le temps de divaguer que des bruits de discussion parviennent à ses oreilles, se rapprochant de lui. Son cœur commence à tambouriner dans sa cage thoracique tandis que ses mains frottent son visage. À mesure que les bruits approchent, des mots en désordre s'infiltrent dans son esprit, comme pour formuler une justification convaincante. Ses oreilles bourdonnent, sa respiration se fait erratique. Sa jambe accélère son rythme, intensifiant le claquement de son pied contre le parquet. Alors qu'il ne contrôle plus son corps, le grincement de la porte derrière lui suffit à le figer.

Un soupir de soulagement espace le moment où il était seul et celui où il ne l'est plus. Les siège, vides auparavant, accueillent ses parents, installés à ses côtés, et une vieille femme d'une prestance égalant son rang. Sa mère, qui lui semblait si gentille, se cache derrière des traits concernés, tandis que son père lui lance un regard inquiet. Rory n'ose lever les yeux vers ses parents, trop gêné et apeuré. En face, la directrice commence son discours. Elle débute avec les mondanités qu'elle prononce à chaque occasion spéciale, des remerciements d'avoir trouvé du temps, des excuses pour la gêne occasionnée, le tout entrecoupé d'apostrophes s'adressant à lui et de toussotements forcés.

« Pitié, abrégez, qu'on puisse en finir une bonne fois pour toute » supplie l'adolescent dans un élan de courage qu'il ne retrouvera plus.

Sous le regard interrogateur des adultes, il rougit, se pinçant le nez tout en fermant les yeux.

« Écoutez Rory, la situation est assez grave pour qu'on prenne le temps nécessaire pour la résoudre » déclare la vieille femme dans un sourire rassurant, découvrant ses rides.

Pour toute réponse, il pousse un soupir, accompagné d'un hochement de tête défaitiste. Puis, elle commence ses explications.

Depuis trois mois, et avec l'approche des examens de maturité, sa situation scolaire devenait inquiétante. Toutes ses notes chutent depuis la rentrée de février, frôlant la limite de l'insuffisance. Cela a alerté ses professeurs, mais hormis des encouragements et des échanges pour tenter de comprendre ce changement soudain, ils n'ont aucun pouvoir. De plus, tout le monde remarque qu'il s'est effacé, ne participe plus aux cours, se murant dans un silence qui ne lui ressemble pas. Cela s'accompagne de jours d'absentéisme sans excuses au préalable. Et même ses camarades confirment qu'il ne semble pas présent. On a interrogé Rosemary, qui a déclaré qu'elle avait pris ses distances avec lui.

« Écoutez, je sais qu'une rupture peut être dure, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut lâcher la rigueur dans vos études... »

Parce que ce n'est que la seule explication plausible à leurs yeux. D'un côté, il veut leur hurler qu'ils font fausse route, qu'il est préoccupé par des tracas beaucoup plus sérieux qu'une relation classée sans suite, qu'il se doit de retrouver son meilleur ami, quitte à délaisser le reste. De l'autre, il se dit qu'on le prendrait pour un fou. Alors, plutôt que de se prononcer, il opine d'un mouvement obéissant. Ses parents essayent d'établir une communication, mais il préfère se taire durant le reste de l'entretien, impuissant face aux commentaires de la directrice. La réunion se termine sur une poignée de main, des remerciements et des salutations.

Une fois la porte refermée derrière eux, les langues se délient.

« Tu replonges Rory. »

Ce n'est pas une question, mais un fait énoncé par sa mère, qui se contente de cette simple sentence. Le père, quant à lui, pose une main réconfortante sur l'épaule de son fils.

« Je sais que t'as autre chose à faire, mais je pense que ce serait une bonne idée que t'ailles reprendre un rendez-vous chez la doctoresse Steele. »

Que son père lui dise ça montre une certaine régression, comme si ces trois mois ont fait valser tous ses efforts en un claquement de doigts. Rory soupire, répétant son hochement de tête. La sonnerie retentit, ses parents lui donnent des dernières embrassades avant que d'autres élèves ne remarquent leur présence.

Carnet d'un ami disparuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant