Carnet d'un ami disparu

Chapitre 7-3

La sonnerie retentit à plusieurs reprises. Son tintement résonnait dans l'ensemble de la maison, ce qui avait le don d'énerver Noé. Sa mère lui cria d'ouvrir la porte, elle étant trop occupée. Face au miroir, dans lequel il tentait de coiffer sa chevelure rousse, il leva les yeux au ciel avant de sortir de la salle de bain. Il dévala les escaliers, pressé par le bruit de plus en plus impatient. Il maugréa dans sa barbe une plainte à l'égard de celui qui n'arrêtait pas d'appuyer sur la sonnette et, une fois le bout du couloir atteint, il empoigna la béquille, l'abaissa, et poussa la porte.

Derrière elle, un jeune homme se dressait. Il avait l'air pâle en comparaison du décor couvert de neige derrière lui. Son regard noisette lui donnait un air perdu, comme un enfant cherchant ses pairs. Il enleva sa casquette, laissant découverts ses cheveux bruns désordonnés, l'autre main tenant un vieil appareil photo. Il se dandinait sur ses deux pieds alors qu'il demanda d'une voix timide :

« J-je suis bien chez madame Dufevre ? »

Il s'apprêtait à répondre quand sa mère apparut de derrière. Ses yeux toisaient le jeune homme avant de s'arrondir, le visage maquillé par la surprise. D'un coup, elle se rua vers le jeune homme et le prit dans ses bras, soufflant des exclamations qui acclamaient l'arrivée d'un dénommé Luke. Sa mère lui demanda de l'accueillir dans sa chambre, le temps d'une nuit. Décontenancé au départ, il accepta, l'air sonné. Noé n'ayant d'adelphe, il expérimentait lors de cette longue nuit l'expérience de grand-frère. Il partagea ses vêtements, improvisant un pyjama dont les manches amples ondulaient à chacun des mouvements du brun. La nuit, peu bavarde, se limita à des mondanités basiques, une présentation simple accompagnée d'un souhait d'une nuit reposante.

Ce n'était que le lendemain qu'il apprit à connaître Luke. Quand Noé se leva de son lit, il remarqua l'absence du jeune homme. Mais à peine eut il le temps de le constater qu'une odeur enivrante atteignit ses narines. Il traversa le matelas à terre, poussa la porte et suivit l'odeur. Elle le mena jusque dans la cuisine. En face d'une table de travail, sa mère préparait à manger. On entendait le grésillement des œufs, le beurre fondant dans la poêle. L'onctuosité du plat se démontra lorsqu'elle le déposa sur une assiette creuse, dans laquelle l'œuf épousait ses courbes. Il salivait tandis que sa mère déposa le déjeuner à la table, où Luke était assis.

Noé lui lança une plainte jalouse, alors qu'un sourire rayonnait sur son visage. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, Luke lui répondit en le taquinant. Une bagarre fratricide se lança, alors que leurs yeux visèrent l'assiette. Luke dégaina sa fourchette, prêt à assiéger son repas tandis que Noé s'apprêtait à l'attaquer. Enfin, alors que la corne d'abondance allait résonner, la jeune mère intervint en posant une deuxième assiette remplie. C'était ainsi qu'elle amortit cette guerre entre eux deux, ceux-là se remplissant la panse.

Durant son copieux repas, Noé apprit ce qui les liait. Sa mère s'occupait de Luke quand elle était plus jeune. Puis, on lui a rappelé qu'elle avait un fils. Elle a dû se séparer des jumeaux pour s'occuper de son propre enfant.

Luke avait lancé un regard interrogateur à Noé qui gardait une esquisse de sourire sur son visage. On sentait qu'elle désirait se prolonger dans son récit, les yeux fermés alors qu'elle rêvassait. Mais elle raccourcit son explication : Luke et Noé étaient cousins.

« Putain trop cool, j'ai un cousin ! »

Et il tapa dans la main de Luke avec un sourire ravageur. Il quitta la pièce pour monter dans sa chambre, se changea et redescendit pour se présenter dans son accoutrement civil. Un pull noir recouvrait son torse tandis qu'un col roulé épais entourait son cou. Un pantalon beige s'allongeait jusqu'à sa cheville, retroussé en laissant apercevoir une parcelle de sa peau. Ses socquettes blanches recouvraient ses pieds alors qu'il glissait sur le parquet en bois verni.