Dans un train, non loin de la ville, un jeune homme admire le lever de Soleil, ainsi que ses effets sur le paysage. Tous ces adolescents pianotant sur leur téléphone, ces adultes obnubilés par leur montre - comme si le temps les maintenait en laisse – ces femmes qui tapotent leur visage afin de paraitre éveillées : le jeune homme ne baigne pas dans cette atmosphère. Il reste en place, taciturne, la musique de jeunes artistes indépendant dans ses oreilles. Sa tempe repose contre la vitre. Ses yeux bleus, protégés derrière un barrage vitré, apprécient le paysage que lui offre la vie. Puis la nature a troqué sa verdure pour un long défilé de rails. Le véhicule ralentit, une foule informe se déplace sur les voies de la gare : il est arrivé à destination. Le jeune homme se lève, enfile son sac-à-dos et entame sa route.
Tout à coup, quand une brise passe entre les boucles blondes de l'adolescent, elle lui soutire un frisson. L'été touche à sa fin, comme son repos revigorant et sa chaleur réconfortante. Inspiration, il ferme les yeux en la prenant. Ses doigts entremêlés, il s'étire tout en continuant sa route. Il descend les escaliers qui le mènent dans un grand hall. Plus loin, les lueurs du soleil s'introduisent dans l'endroit grâce à une grande ouverture. Il marche jusqu'à ce que son corps pâle baigne dans la lumière.
Le lac Léman reflète les couleurs accueillantes de l'aurore. De grands immeubles bordent la rive tandis que le Jet d'Eau commence son ascension. De rares voitures passent sur les routes, leurs passagers semblant endormis comme l'indique leur conduite calme. Puis les minutes passent et la ville s'active. Les cloches de Bel-Air sonnent huit heures. La circulation se saccade, les bus se mêlent aux véhicules, leur vrombissement cacophonique camouflant le piaillement matinal des oiseaux. L'étudiant longe la route jusqu'à rencontrer un passage piéton. Il patiente une longue minute qu'il occupe en scrutant son fil de notifications. Il remarque un message de sa copine qui lui demande s'il va bientôt arriver. Il répond, un mince sourire sur ses lèvres.
Il a failli manquer le feu vert, obnubilé par la discussion qu'il a entamée. Se trouvant seul auparavant, il est désormais entouré d'une masse humaine : il s'agit d'étudiants, comme lui, qui vont à l'école comme à l'abattoir. Il s'immisce dans un groupe avec lequel il discute le temps du trajet. Des discussions plus ou moins banales qui traitent de l'école, des vacances, des filles. Rien de bien passionnant, juste de quoi tuer le temps. Les minutes défilent et il se trouve enfin devant le Collège Voltaire. À côté de l'entrée se situe une grande horloge contre le haut de la tour. Elle indique huit heures cinq. Dans pas moins de cinq minutes, il assistera à ses premiers cours en tant que quatrième, l'année de sa maturité. Il rentre dans l'établissement, retrouvant cette entrée qu'il connaissait par cœur. Cette entrée où le marbre antique rencontre l'industriel bitume. Cette entrée où la blancheur classique contraste avec le contemporain gris. Un téléviseur sert de transition entre ces deux mondes, des annonces défilant au gré des secondes qui passent. De son côté, il avait déjà fait son choix. Il tourne à droite, là où une grande allée et sa copine l'attend. Il se faufile entre les autres élèves avant de monter les escaliers.
Le cœur battant, chaque marche le rapproche peu à peu de la personne qu'il chérit le plus. Il se l'imagine, le rouge aux joues et le sourire grandissant. Il ne fait pas attention au premier étage dans lequel tout le monde se presse, l'envie de faire bonne impression les motivant. Lui, il continue son ascension, la tête légère, le cœur débordant. Enfin, au deuxième étage, il retrouve l'être aimé.
Elle se dandine sur ses deux pieds, adossée contre un casier. Elle passe ses fins doigts, décorés de bijoux, entre ses courts cheveux de jais. Cette rivière noire s'arrête à ses épaules, là où l'onde se fait plus discrète. Soudain, quand elle aperçoit qu'elle est observée, elle plonge son regard émeraude dans l'azur du jeune homme. Un grand et magnifique sourire prend place sur ses lèvres, ce qui lui laisse découvrir la blancheur de ses dents. D'une démarche assurée, elle se dirige vers lui. Et, sans même crier gare, ils se prennent dans les bras. Il plonge son nez dans ses cheveux où il puise un parfum vivifiant dont il se délecte, ce même parfum auquel il avait gouté lors de leur première rencontre. Cette simple odeur suffit à lui raviver le sourire. Après deux mois sans la voir, il peut à nouveau la rencontrer. Les messages, les photos, les vidéos ne remplaceront jamais le pouvoir des sens, le pouvoir de parcourir sa douce peau sous sa paume quand il l'enlace, celui d'entendre sa tendre voix quand elle lui murmure de légers mots, celui de goûter ses lèvres savoureuses dont il ne peut se lasser. Après un an de relation, il nage encore dans une romance juvénile sans orage. Quand ils finissent par se lâcher, leur regard reste soutenu, pareil à leur sourire.
« Tu m'as manqué, Rory.
- Toi aussi, Rosemary. »
Les mots sont simples, mais les gestes, les regards, les contacts par inadvertance parlent d'eux-mêmes. Le couple se dirige vers le casier, s'échangeant des mots au sujet des cours et des professeurs qu'ils ont, les discussions entre-coupées par des rires. Puis, quand Rory ouvre son casier, les lueurs des retrouvailles s'estompent derrière des nuages gris. Par inadvertance, un cahier en tombe. Étonné de cette découverte, il lance un regard circonspect à sa copine. Cette dernière hausse des épaules. Curieux, l'étudiant ramasse le livret et l'ouvre.
D'un coup, son cœur rate un battement. Ses yeux s'écarquillent, puis, d'un geste brusque, il ferme l'ouvrage. Ce n'est pas possible. On doit lui faire une blague ou quelque chose dans le genre. Dans tous les cas, elle est de très mauvais goût. L'adolescente à ses côtés semble inquiète. Merde. Il doit trouver une échappatoire. Il regarde autour de lui. Il tombe sur un groupe qu'il connait. Il range le cahier tout en se dirigeant vers eux, laissant son amie seule. Il lui doit des explications, mais pas maintenant. Pas avant d'être sûr de la provenance de ce bouquin. Il fait semblant de s'intéresser à la discussion jusqu'à ce que la première cloche résonne dans l'établissement. Le temps de son premier cours, sans Rosemary dans les parages, il aura le temps d'élucider ce mystère...
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Carnet d'un ami disparu
Novela JuvenilRory est un garçon ordinaire. Dans sa dernière année d'étude, il a une copine, un groupe d'ami soudé, et un avenir tout tracé grâce à son art. Mais tous ses plans se retrouvent chamboulés quand il reçoit dans son casier un carnet photo appartenant à...