Chapitre 5-1

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Un mois est passé depuis le voyage de maturité, la reposante escale, un souvenir lointain dans cette période d'examen. Rory s'habille dans sa chambre. Ses affaires sont prêtes. Il doit juste faire un détour à la salle de bain pour se barboter le visage. Il y va. Dans le reflet du miroir, on aperçoit un homme qui a des cernes que creusent sa peau. Une légère barbe blonde picore ses joues, des espaces moins couverts que d'autres s'y répartissant. Il ouvre le robinet, récolte de l'eau dans ses mains jointes et la passe sur son visage. Il l'essuie à l'aide d'une lingette et retourne dans sa chambre avec une démarche lente. Sur son chevet se trouvent ses lunettes, qu'il récupère, de même que ses bagues et son sac à dos. Il s'apprête à partir, dévalant les escaliers, si bien qu'il en rate, quand une voix familière l'appelle. Le jeune homme s'arrête. Il se retourne, découvrant le visage inquiet de sa mère. Elle a les bras croisés contre sa taille. Sa hanche repose contre le faux-mur, comme pour la soutenir. Elle déclare :

« Rosemary m'a appelé. Plusieurs fois. »

Le fils retient un soupir. Il ne va pas avoir cette discussion. Surtout pas avec sa mère. Il a ses problèmes, il doit les gérer tout seul. Il soutient du regard sa mère, et affiche un faux sourire pour la rassurer.

« T'occupes, j'lui reparlerais bientôt.

- C'est pas ça la question. Rory, elle a peur que tu rechutes. »

Et de nouveau cette conversation. Il sait qu'il a merdé à l'époque. Grave merdé. Il a inquiété tous ses proches. Il n'a donné aucune nouvelle. Les notes ont baissé aux derniers examens. Il y a de quoi s'inquiéter, pour sûr, surtout au vu de sa soutenance dont la note remise dépasse à peine la moyenne. Il a avancé, dépassé sa période triste afin de poursuivre sa vie. Dans cette optique, il s'adonne aux études, dans le but de faire passer cette note de soutenance pour une anecdote. Mais les résultats n'indiquent pas son bien-être pour ses parents. Alors il s'approche, pose une main rassurante sur l'inquiète épaule de sa mère, et réaffirme avec un grand sourire :

« Ne t'en fais pas Maman, c'était qu'une passade. Je vais beaucoup mieux, regarde-moi ! »

Elle s'exécute, le toisant de haut en bas. Puis elle se lève d'un coup de son reposoir et entoure de ses bras chaleureux le corps de son fils. Surpris, ce dernier ouvre grand les yeux par réflexe avant d'accepter l'étreinte, les paupières closes. Un moment plus tard, il s'y défait, prétextant qu'il risque de louper son train. Elle hoche la tête, offrant un visage apaisé. Puis la porte le couvre, et voilà que Rory se trouve dehors. Le temps du trajet, la scène tourne en boucle dans sa tête. Il n'a pas menti quand il a dit qu'il compte régler ses problèmes. Les pauses de midi deviennent mornes à force de parler avec Daphné, seul sujet de conversation se résumant à Luke. L'ancienne ambiance lui manque, celle où il pouvait rire sur tout et n'importe quoi. Daphné reste fidèle à elle-même. Peu bavarde, assez réservée et surtout : dévouée à son frère.

Quand il s'agit de parler de soirées, de relations, elle montre peu d'intérêts, mais quand on aborde le sujet « Luke », elle expose toute sa vie et sa relation fusionnelle avec lui. Pourtant, de primes abords, les jumeaux n'avaient pas l'air si proches. Rory en a peu parlé avec Luke de son vivant. Deux à trois commentaires, des plaintes : voilà l'image qu'il lui a offerte lors de leurs balades quotidiennes. Mais cette image contraste avec les récits de Daphné, leurs enfances tumultueuses, les nuits partagées dans le même lit à se conter des histoires.

Fils unique, Rory essaye tant bien que mal de comprendre les relations fraternelles. Rayenne a une petite sœur qu'il chérit de tout son être, Alice se plaint de sa grande sœur qui ne cesse de la quereller, Victor compte une grande fratrie dans sa grande famille recomposée. Seuls Rory et Rosemary se comprennent, eux et leur enfance solitaire. Sortis de ses pensées par l'arrêt du train, le jeune homme quitte le véhicule, quelque peu hébété. Pour calmer son esprit, il dégaine de sa poche une paire d'écouteurs qu'il enfonce dans ses tympans, le temps du trajet. Un peu de musique, cela ne lui fera pas de mal.

Carnet d'un ami disparuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant