Chapitre 5 - Carlyle

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À regret, je me séparai du corps de Brook. La Bloody Mary me parut glacée. J'aurais aimé la garder contre moi, mais je ne voulais pas la mettre mal à l'aise. Ses crises me brisaient le cœur, Brook les avait affrontées seul pendant des années et, maintenant que je le savais, je ne le laisserais plus seul. Même s'il ne m'aimait pas comme moi je l'aimais, je tenais à le protéger, à lui épargner de nouvelles souffrances. Une amnésie et des violences conjugales étaient suffisantes à porter. Je caressai sa joue avec tendresse, le regardant avec amour et bienveillance. J'aurais tant aimé l'embrasser, mais je retins ce désir et me contentai de l'inviter à passer la soirée chez moi. Une fois assuré qu'il viendrait, je le trainais jusqu'à la cafétéria où Frederik nous attendait.

Brooklyn nous acheta deux plats de pâtes et s'assit à côté de Frederik. Les deux agents se taquinèrent et se mirent à rire. Face à ma Bloody Mary, j'observais calmement son attitude enjouée qui cachait de nombreux traumatismes. Comment deviner toutes les angoisses qu'il trainait ? Son sang-froid m'étonnait toujours.

Nous mangions dans le calme lorsque l'Unité 2 vint s'asseoir vers nous. La Milice de Becky Halls n'était pas très grande. Toutes les Unités se rejoignaient à midi pour partager le repas, qui se déroulait souvent dans un silence de plomb ou ponctué par les remarques pénibles de Swarzt et de son collègue dont je ne me souvenais jamais du nom. Les deux hommes s'assirent en face de Brooklyn et à côté de moi.

La Bloody Mary m'adressa un regard agacé, mais continua de manger ses pâtes en silence. Swarzt était quelqu'un d'arrogant et de très sûr de lui. Magicien de la pensée, il utilisait ses pouvoirs pour taquiner méchamment les autres, et particulièrement Brook. Même s'il ne le reconnaitrait pas, Swarzt éprouvait de la jalousie envers mon ami et cela le poussait à être odieux. Dans un silence suspect, l'agent de l'Unité 2 commença à manger. Je m'étonnai qu'il n'ait pas encore fait de remarques désagréables. Je compris que j'avais parlé trop vite lorsqu'il eut un vague geste de la main à l'intention de Brooklyn. Un rictus se dessina sur ses lèvres fines, ce qui me glaça le sang.

— Toujours à rire avec Fred à ce que je vois, Brooklyn.

L'interpellé se contenta de hocher la tête, mais ne prêta pas plus attention à Swarzt. Ses pâtes étaient plus intéressantes que ce connard au crâne rasé. Inconsciemment, je serrai les poings autour de ma fourchette. Qu'est-ce que cette fouine pouvait bien penser ?

— Lui aussi tu te l'es envoyé sur ton bureau ?

Brooklyn releva les yeux sur ce connard alors que Fred, stupéfait par ces insinuations, laissait tomber ses couverts en rougissant. Je me crispai davantage. Brooklyn n'avait jamais couché avec l'un de ses collègues. À vrai dire, depuis que je le connaissais, Brooklyn ne m'avait jamais parlé d'un homme avec lequel il aurait fait l'amour depuis Alres. Swarzt n'était qu'un frustré qui ne supportait pas le succès de Brooklyn, m'était d'avis qu'il aurait aimé coucher avec la Bloody Mary. Il n'avait aucune chance et, même si Brooklyn aimait les hommes, il ne se serait pas abaissé à dormir avec ce connard. L'agent de l'Unité 2 le lui faisait payer avec des remarques sexuelles gênantes et inadéquates.

Pourtant, malgré le caractère pesant de ces injonctions, Brooklyn ne se laissa pas démonter. Alors que Swarzt continuait de manger son sandwich, une lueur satisfaite dans le regard, mon ami aux cheveux rouges se laissa tomber contre le dossier de la chaise et croisa les jambes. Ses magnifiques yeux rougeoyants se concentraient sur l'idiot du service et ses lèvres pulpeuses esquissèrent un rictus de dédain.

— En tout cas, il supplie moins que toi.

Swarzt avala de travers et se mit à tousser. Brooklyn eut un rire moqueur avant d'enchainer.

— Tiens donc, hier soir tu as fait la même tête quand je te l'ai mise au fond de la gorge.

Le visage de Swarzt s'enflamma de honte alors que la Bloody Mary se mettait à rire. Fred pouffa. Satisfait de lui, Brooklyn se leva et quitta la cafétéria. Je ne trainai pas et le suivis jusqu'au bureau de l'Unité 1. Brook tira sa chaise d'un coup brusque, signe de son agacement. Swarzt avait l'art de ternir sa réputation auprès de toute la Milice.

Rigged Magic 1 - BipolarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant