Chapitre 42 - Rolland

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Une heure. Devyan dansait depuis heure. Il ne laissait paraître aucun signe de fatigue. Face à Alres qui le fixait avec sévérité, détaillant chacun de ses mouvements, il était irréprochable. En sous-vêtement, il ne frissonnait pas alors que la température de la pièce était froide. Sa gestuelle et son attitude étaient bien différentes de d'habitude, comme s'il avait compris que cette fois-ci ses émotions devaient se voir. Notre ennemi était bien plus redoutable que Duncan. Mon meilleur ami aurait vite fait de s'apercevoir de la supercherie si Devyan restait le Milicien froid et sûr de lui.

Et même si j'appréciais voir Devyan ainsi vêtu, je ressentis une pointe d'inquiétude. Alres collaborait avec Duncan dans ce projet de pierres bipolaires, Devyan et Carlyle nous en avaient apporté la preuve. Même si Duncan ne me l'avait pas dit, je savais qu'il ne me faisait plus confiance. Il n'avait pas jugé utile de m'informer de la collaboration de mon meilleur ami. Pourtant, c'était grâce à moi que les deux hommes se connaissaient. J'avais emmené Alres dans le club où performait le magicien noir à l'époque. Je me sentis trahi par Alres, il n'avait pas jugé important de me dire qu'il avait gardé contact avec Duncan. Et surtout pas qu'ils collaboraient dans ce plan foireux. Depuis quand Alres avait-il rejoint le projet ? Au début, j'étais seul avec Duncan et il ne m'avait jamais parlé d'autres investisseurs. Il fallait croire que je n'étais pas un vrai collaborateur dans ce projet, juste une pièce de laquelle on se servait pour cacher les secrets et qui ne méritait pas de tout savoir.

Mon ego était entaillé profondément. Je n'aimais pas que l'on se joue de moi. Finalement, il était satisfaisant de rejoindre le camp des Miliciens. Ils étaient trop droits pour agir comme le faisaient Alres et Duncan. Ils payaient bien mieux leur contrat.

— Tu sembles pensif.

Le ton froid d'Alres me sortit de mes pensées. Il avait allumé une cigarette et me la tendait. Je la saisis entre l'index et le majeur pour tirer une taffe. Relaxé contre le dossier, je croisai les jambes et observai plus attentivement Devyan. Le bordeaux lui allait bien, la dentelle aussi. Je ne me lasserais jamais de le regarder. Même si toutes ses réactions étaient simulées, je me sentais troublé. Voir autre chose que de l'impassibilité dans l'argent fondu était jouissif.

— Rolland, tu m'écoutes ?

— Pardon, tu disais ?

Alres leva les yeux au ciel et reprit la cigarette. Il me mit un coup dans l'épaule avant de reporter son attention sur Devyan qui ondulait contre la barre de pôle dance.

— Je te demandais où tu l'avais trouvé.

— Oh. Au garage. C'est lui qui s'occupait de changer le roulement qui avait lâché.

Ma nonchalance sembla le convaincre. Il rejeta la tête en arrière et souffla un épais nuage de fumée.

— Tu l'as bien éduqué.

Le ton de sa voix chassa momentanément le désir que j'éprouvais en regardant Devyan. Les yeux d'Alres brillaient étrangement. Ses lèvres étaient retroussées dans un sourire que je ne connaissais que trop bien. Il avait le même lorsqu'il me contait ses exploits sexuels. L'inquiétude me figea.

— Il est docile, je te l'ai dit, répliquai-je prudemment.

— Ah oui ? Je demande à voir. Il n'a fait que danser jusqu'à présent.

Je déglutis difficilement. Il me testait, il nous testait. Avait-il compris que Devyan et moi avions fait diversion pour permettre à Carlyle de sortir ? J'espérais bien que non. Si nous perdions notre couverture, l'enquête se compliquerait.

— Essaie, tu verras, finis-je par dire avec un sourire assuré.

Alres m'examina longuement avant de rire. Il se tourna vers Devyan. Le Milicien avait reporté son attention sur nous. Si son visage était l'innocence même, son regard analysait tout et ne laissait paraître qu'un simulacre d'émotion. Alres lui fit signe de la main.

Rigged Magic 1 - BipolarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant