Dimanche
— Tu crois qu'il va s'en sortir ? me murmura Fred alors que je coupais la pastèque en cube.
— Bien sûr que oui. Fais gaffe, le lait déborde.
— Putain.
Fred retira la casserole du feu en jurant. Du coin de l'œil, j'observai Brooklyn. La Bloody Mary détaillait Thussvor du regard. Il choisissait avec minutie le maquillage qui ornerait le visage glacial de notre chef. Les sourcils froncés, il soupesait une paire de boucle d'oreille en or avant d'en sélectionner une autre.
— Celles-ci t'iront à merveille.
— Est-ce vraiment nécessaire que je porte tout ça ? s'ensuit Thussvor en levant un sourcil.
Brooklyn lui sourit avec hypocrisie.
— Rolland aime les belles choses et crois-moi, tu auras plus de chances de lui soutirer des informations en adoptant une partie de mon look.
Je retins un rire. Thussvor avait réprimandé Brooklyn tant de fois sur son style qu'il était plaisant de le voir contré ainsi. Tout cet accoutrement allait à l'encontre des valeurs de notre chef et, même s'il ne laissait rien paraître, cela l'irritait profondément.
— Plus tu lui conviendras et plus il sera conciliant avec toi, ajouta Brooklyn.
— Et minauder serait la solution ?
Brooklyn haussa les épaules et Thussvor soupira d'un air résigné. Il se laissa maquiller et coiffer sans rechigner. Des teintes prunes embellissaient ses yeux gris. Les prunelles semblaient plus glaciales que jamais. Seules quelques mèches de cheveux châtains adoucissaient ce visage figé de neutralité. L'or des bijoux tintait à ses oreilles et caressait la peau blanche. Les diamants projetaient des éclats de lumières sur l'épiderme, l'ornant d'une parure impalpable. Les lèvres enduites d'un baume nourrissant n'esquissaient aucun sourire, soulignant davantage cette froideur et cette désarmante neutralité. À sa manière, Thussvor était charmant et maquillé de la sorte, il ne manquerait pas de plaire à quelqu'un comme Rolland. Certes, il n'avait pas la beauté androgyne de Brooklyn, mais il saurait jouer de la sienne pour amadouer le cinquantenaire. Mais s'il accepta de se laisser coiffer et maquiller, il refusa catégoriquement de se laisser habiller. Brooklyn fit la moue mais n'insista pas davantage.
— Tu as rendez-vous à dix-neuf heures quinze chez lui, je t'ai transféré l'adresse par message, lui indiqua Brooklyn en appliquant un dernier coup de pinceau.
Thussvor hocha légèrement la tête.
— Il a dit que sa pierre était devenue bipolaire parce qu'il aidait, rappela la Bloody Mary.
— Mais on ne sait pas qui, souligna Fred.
— Vu l'attitude de Duncan, je suis persuadé que c'est lui que Rolland aidait.
— Le patron de ce club ? demandai-je.
Brooklyn acquiesça avec prudence.
— Il faut que tu comprennes qui Rolland aidait, pourquoi il l'a fait et comment ont-ils fait pour mélanger deux types de magie de manière éphémère.
Toujours avec stoïcisme, Thussvor approuva. Même s'il ne le montrait pas, notre chef savait déjà quelles questions il allait poser et quelles réponses il devait obtenir. Par précaution, nous remettions simplement les éléments à plat pour éviter un oubli.
— Demande-lui si d'autres personnes sont impliquées dans ces changements de pierres, intervint Fred. Peut-être connait-il Page et sait quelque chose sur sa mort.
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Rigged Magic 1 - Bipolar
FantastiqueLa vie à Becky Hall est ennuyeuse. La magie y est calme et le travail de Milicien éreintant. Carlyle Morgenstern l'a bien compris. Magicien de guérison, il remplit sa mission sans se plaindre et suit les ordres, soutenu par Brooklyn, un magicien de...