Mardi
Je trépignais d'impatience. Assis dans une alcôve du Carlton, j'attendais que Devyan daigne m'honorer de sa présence. Le Milicien était déjà en retard - ou plutôt étais-je en avance. Ma jambe battait un rythme nerveux sous la table.
Devyan n'avait plus quitté mon esprit depuis dimanche soir. J'avais pensé à lui nuit et jour, rêvant de son corps, fantasmant ses réactions. Et quelle ne fut pas ma frustration de le retrouver aussi impassible. Cela faisait grossir ce noeud dans ma poitrine, mêlant colère et excitation.
Comme je m'en doutais, il avait fini par découvrir les éléments que je lui cachais. Mais cela me permettait de le revoir. J'avais le pressentiment que si je lui avais tout dit, je n'aurais plus eu l'occasion de le rencontrer. Je n'étais pas prêt à abandonner. Tant que je n'aurais pas eu une réaction, je ne le laisserais pas tranquille. Je voulais voir l'orgasme et l'abandon de soi dans ses prunelles adamantines. Je voulais sentir son corps lâcher entre mes doigts.
Pour contenir l'impatience qui me tenaillait, je saisis mon verre de vin et fis tourner le liquide incarnat. Le mouvement hypnotique de la robe pourpre parvint à apaiser mes pensées sulfureuses. Les lumières des lustres en cristal se reflétaient sur le verre. Cette brillance me rappelait la parure impalpable dont Devyan était vêtu lors de notre première rencontre. Tout dans ce lieu me rappelait l'élégance et l'inaccessibilité de cet homme. Tant que je ne l'aurais pas possédé et fait entièrement mien, il me serait impossible de l'oublier.
Un soupir m'échappa alors que je m'appuyais contre le dossier de la chaise. Je fermai un instant les paupières, m'isolant du bruit de la salle.
— Vous semblez désespéré.
La voix neutre de Devyan me sortit de cet apaisement passager. Comme piqué par une abeille, je me redressai pour lui faire face. Il n'avait pas attendu mon accord pour s'asseoir. Cela m'aurait agacé si je n'étais pas tant captivé par sa perfection.
Magnifique. Ses yeux me fixaient avec impassibilité. Ils n'étaient pas maquillés, ou du moins très légèrement, ce qui magnifiait sa beauté. Son visage calme était dégagé et ses cheveux, soigneusement brossés sur le côté ce matin, retombaient en harmonie sur son front dans un effet décoiffé. Une longue boucle d'oreille brillait à son oreille droite tandis qu'un diamant simple ornait la gauche. Son costume bleu nuit dévoilait le début de ses pectoraux et moulait avec élégance ses jambes. À son cou rayonnait une chaînette en or. Il avait fait un effort vestimentaire - ou l'avait-on obligé - afin de se rapprocher au plus proche de mes goûts. Mon cœur battit plus vite lorsque je détaillai ses lèvres pulpeuses enduites d'un baume légèrement rosé.
— Tu es magnifique, Babydoll, soufflai-je.
Brooklyn aurait haussé un sourcil ou rougit. Devyan ne réagit pas au compliment. Il se contenta de repousser une mèche de ses cheveux en arrière. Était-il également insensible aux flatteries ?
Je fis signe au sommelier, mais Devyan l'arrêta d'un signe de la main.
— Je ne bois pas d'alcool en service. De l'eau suffira.
— Comme tu voudras.
Le silence se tissa très rapidement entre nous. J'étais absorbé par sa beauté et son indifférence. Mon regard ne pouvait se détacher de ses longs doigts qui tenaient le verre de cristal. Le mouvement de ses lèvres m'hypnotisait, je dus desserrer ma cravate.
— Pourquoi m'avoir caché des éléments ? Mon sang ne vous a-t-il pas suffi ? Auriez-vous eu besoin de me frapper davantage pour me dire l'entière vérité ?
La neutralité avec laquelle il me posait ses questions me révolta. Était-il aussi vide d'émotions que le laissaient sous-entendre ses yeux ? Son intégrité n'avait-elle aucune importance ?
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Rigged Magic 1 - Bipolar
ParanormalLa vie à Becky Hall est ennuyeuse. La magie y est calme et le travail de Milicien éreintant. Carlyle Morgenstern l'a bien compris. Magicien de guérison, il remplit sa mission sans se plaindre et suit les ordres, soutenu par Brooklyn, un magicien de...