Samedi
Carlyle avait croisé les bras sur sa poitrine. Il fronçait les sourcils. Un rire m'échappa alors que je m'installais sur la moto. La sensation m'avait manqué. Les blessures que m'avaient infligées Alres étaient en voie de guérison, mais pas totalement cicatrisées. Quelques douleurs persistaient.
— Allez, monte, lançai-je en enfilant le casque.
— Hors de question. Tu es encore blessé. On va appeler un taxi.
— S'il te plait, j'ai besoin de conduire.
Je lui fis les yeux doux. Carlyle soupira et céda. Il vint s'asseoir derrière moi et serra ma taille avec douceur. Il ne voulait pas me faire mal. Je ris en mettant les gaz. Le trentenaire était stressé.
— Promis, je conduirai doucement.
Carlyle sut que je mentais lorsque je démarrai en trombe. Le vent qui sifflait dans mes oreilles et qui caressait ma peau me fit du bien. Il lava mes émotions sombres. Depuis longtemps, je me sentais vivant. Je fus déçu d'arriver si rapidement chez Rolland. Carlyle n'était pas de mon avis. Il descendit de la moto en titubant. Il me lança un regard de reproche en enlevant son casque.
— Tu avais dit doucement !
— C'était doucement.
— Mais bien sûr, ronchonna-t-il. Je vais faire réparer ma voiture et, en attendant, je prendrai le bus.
J'éclatai de rire alors qu'il continuait de se plaindre de ma conduite. Carlyle avait toujours eu peur de la moto, surtout lorsque c'était moi. Son côté ronchon me faisait rire et me remontait le moral. Cela m'empêchait de trop penser.
J'ôtai mon casque et lui saisis le bras en lui adressant un grand sourire. Il me le rendit et m'entraîna vers l'entrée. Fred et Yohan déjeunaient en échangeant calmement. Debout derrière l'îlot américain, Thussvor buvait son café en lisant quelque chose sur sa tablette tandis que Rolland l'engueulait. Notre chef ne prêtait aucune attention au cinquantenaire, ce qui semblait particulièrement l'agacer.
Hier soir, à moitié dans les vapes, j'avais à peine entendu leur discussion tumultueuse. J'avais néanmoins saisi le mécontentement de Rolland vis-à-vis de l'attitude rebelle de Thussvor. Et si j'avais compris la menace implicite, je ne voulais pas savoir si elle avait été mise à exécution. Carlyle sembla partager mon avis. Il m'invita à m'asseoir à côté de Yohan et de Fred. Les deux hommes nous saluèrent et je haussai un sourcil tandis que Yohan déposait un abricot dans l'assiette de Fred.
— Avez-vous pu vous reposer ? demanda Thussvor en s'approchant.
— Plutôt oui, et toi ?
Thussvor haussa les épaules tout en lançant un regard agacé à Rolland. Il s'assit à côté de moi alors que le cinquantenaire nous rejoignait. Il posa un regard empli de bienveillance sur notre chef qui se détourna immédiatement pour ne pas affronter les prunelles grises. Il y avait quelque chose de changé entre eux. Une complicité que je ne parvenais pas à expliquer avec des mots.
Carlyle me serra l'épaule et me tendit un raisin. Il reporta son attention sur Thussvor qui tapotait frénétiquement sur la tablette. Ses yeux étaient cerclés de violet, signe d'un sommeil peu réparateur.
— Comment veux-tu organiser les tâches ? demanda Carlyle.
— Fred et toi travaillerez sur l'antidote. Des cellules souches de Duncan sont conservées dans le bureau de l'Unité 3.
Fred hocha la tête, approuvant ces propos. Lui et Yohan avaient dû récolter les cellules hier lorsque Thussvor et Carlyle m'avaient fait sortir du laboratoire.
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Rigged Magic 1 - Bipolar
ParanormalLa vie à Becky Hall est ennuyeuse. La magie y est calme et le travail de Milicien éreintant. Carlyle Morgenstern l'a bien compris. Magicien de guérison, il remplit sa mission sans se plaindre et suit les ordres, soutenu par Brooklyn, un magicien de...