Chapitre 43 - Carlyle

128 21 159
                                    

Vendredi

Je jurai en donnant un coup de pied dans le pneu. Cette putain de bagnole avait décidé de me planter. En même temps, j'aurais dû m'y attendre vu les derniers démarrages catastrophiques. Fred riait au téléphone et vint me chercher quelques minutes plus tard.

Yohan nous accueillit avec un sourire contrôlé. Fred le lui rendit tandis que je me contentais d'un bonjour de politesse. Thussvor était assis dans la salle à manger et Rolland, à ses côtés, le couvait du regard. Cela me fit presque hausser les sourcils. Nous ne savions pas ce qui s'était passé au club hier soir après l'intervention d'Alres. L'arrivée fracassante de Thussvor à la villa ne me laissait aucun doute ; la soirée avait été pénible. Ce serait la seule information que j'aurais. Thussvor ne voudrait pas en parler, le connaissant, il voudrait prendre le temps de panser ses plaies seul dans son coin.

Alors qu'il se tournait vers nous, je lui adressai un hochement de tête et un regard reconnaissant. Sans son intervention, Alres aurait compris ce qui se passait. Il fallait désormais être rapide. Le magicien gris ne mettrait pas longtemps à comprendre que Duncan avait disparu. Il comprendrait rapidement que l'intervention de Thussvor et de Rolland n'était pas anodine. Nous devions sortir Brooklyn de là avant qu'il ne paie les pots cassés.

Fred sembla penser la même chose car il ne prit pas le temps de s'asseoir et attaqua directement.

— Qu'est-ce qu'on fait ?

— Tu vas avec Yohan à la clinique et tu t'arranges pour ramener des cellules souches, répondit Thussvor. Essayez d'avancer rapidement sur cet antidote.

Il but une gorgée de thé en regardant Rolland.

— Carlyle et moi nous irons au club. Arrangez-vous pour tenir Alres à distance.

Chacun connaissait son rôle, il n'y avait pas de temps à perdre. Rolland s'éclipsait pour téléphoner à Alres, l'invitant à manger dans un restaurant luxueux de la ville voisine. Ils avaient des affaires à régler.

Thussvor s'installa au volant. La voiture démarra sans bruit. Le bonheur d'une hybride. Je me calai confortablement dans le siège tandis que mon chef coupait la radio.

— Thussvor...

— Devyan.

Thussvor regardait devant lui. Il y avait quelque chose de changé dans son regard, je ne saurais dire quoi.

— Devyan, qu'est-ce qu'on fait dans le club ? Tu veux forcer la serrure du sous-sol ?

— Non. Ça ne marchera pas. On va fouiller le bureau de Duncan et s'il n'y a rien, on ira chez lui.

Je hochai la tête. À vrai dire, j'aurais voulu l'interroger sur les événements de hier soir, mais je n'osais pas. Je ne voulais pas briser sa confiance et cette amitié naissante. Elle me tenait bien plus à cœur que je ne l'aurais pensé. Par déformation professionnelle, je ne pus retenir la question qui me brûlait les lèvres.

— As-tu été blessé hier soir ? Je... j'ai senti des tissus br...

— Rien de grave. C'est... un sujet sensible, je ne tiens pas à en parler.

Je ne dis rien, respectant son silence. Je me posais des questions, mais elles ne trouveraient pas de réponses. Du moins pas tout de suite. Thussvor ne pipa pas un mot jusqu'à ce que la voiture se gare sur les places VIP du club.

Le bâtiment n'avait pas la même arrogance tapageuse lorsque le soleil était levé. La façade semblait morne, les néons ternes. Il dégageait pourtant la même sensation de malaise. Je suivis mon chef jusqu'à la porte de service. Elle était fermée. L'un des danseurs devait avoir les clés. Thussvor ne tergiversa pas. L'une de ses ronces s'introduisit dans le boîtier. La porte s'ouvrit dans un déclic métallique. Je lui lançai un regard impressionné. Ma magie ne servait définitivement à rien dans ce genre de situations.

Rigged Magic 1 - BipolarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant