Chapitre 14 - Brooklyn

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Agacé, je traversai le couloir pour débouler dans mon bureau - enfin ancien bureau. Mes deux collègues étaient déjà en train de me critiquer. Leur regard se posèrent sur moi alors que je franchissais le chambranle. Mes talons claquèrent furieusement sur le sol.

— Tiens, voilà le lâcheur, persifla Jacky.

— Il est passé sous le bureau, c'est sûr, lui répliqua Urs comme si je n'existais pas.

Je levai les yeux au ciel. Les remarques étaient devenues une habitude, je ne m'en souciais plus. J'inclinai la tête, essayant de soulager la douleur qui venait d'émerger dans ma nuque. Un vertige me saisissait alors que les insultes affluaient dans ma tête. Tel un ras de marée, il me submergea. Ce tsunami menaça de me faire vomir. Enfoiré. Petite pute. Se vendre. Il ne sait faire que ça. Salope.

— Il suffit ! hurlai-je.

Mes deux mains saisirent mes tempes alors que je tentais de faire cesser ce déferlement de pensées. Il s'évapora aussi vite qu'il était venu, me laissant tremblant devant deux personnes ébahies. Un mauvais pressentiment monta dans ma poitrine. Je devais vérifier quelque chose. Sans perdre une seconde, je me précipitai dans les escaliers qui menaient au premier étage. Sans attendre, je courus dans le couloir et ouvris à la volée la porte où était placardé un papier portant mon nom. J'entrai dans le spacieux bureau qui contenait un miroir mural, exactement ce que je cherchais.

Avec empressement, je déboutonnai ma chemise. Mon propre calme m'impressionna. Comment pouvais-je garder l'esprit clair alors que je soupçonnais ma propre pierre d'être devenue bipolaire ?

Je jetai la chemise sur le bureau et me penchai vers le miroir. Mon rubis se gorgea de sa lumière carmin et envoya de petits reflets sur le sol. Le pendentif accroché à un anneau en or ornait mon téton gauche et reposait sagement contre ma peau de porcelaine. Avec prudence, j'ouvris le bijou pour récupérer ma pierre et l'observer sous tous les angles. Le minéral réchauffa mes doigts et je sentis la puissance qu'il renfermait pulser.

J'appuyai mon index sur la pointe de la goutte avant de la tapoter du bout de l'ongle. Elle émit une légère lumière rougeâtre. Mes sourcils se froncèrent lorsque je la constatai plus foncée que d'habitude. La déplaçant à la lumière, je faillis la lâcher. Comme engloutie par le rubis, une masse noirâtre se distinguait au centre de la goutte. Elle paraissait si puissante. Puissante. Elle paraissait puissante. Ma vision se troubla de flashs blancs et la douleur explosa dans ma tête. Je me sentis à peine tomber.

Elle est puissante, commenta quelqu'un. Il faut cesser où sa puissance nous dépassera tous, s'opposa quelqu'un d'autre. Hors de question ! On touche enfin au but ! Les parents sont d'accord de poursuivre.

Je ne vis que du blanc alors que deux silhouettes se dessinaient dans ce décor nébuleux. Elles portaient les deux une blouse de médecin. Une sorte de brouillard masquait leur visage. Au travers de mon inconscience, je tendis la main vers eux. Mes doigts n'atteignirent jamais leur cible. Ce fut à cet instant que je constatai les sangles de cuir qui me maintenaient à une table métallique. La peur explosa dans mes artères alors que je me débattais. Comment en étais-je arrivé là ? Quel était cet endroit ? Je tirai plus fort sur les liens. La peau de mes poignets brûlait tant le cuir frottait. Le sang se mit à goutter en perle. Il s'écrasa jusqu'à former une flaque sur le métal. Je sentis ma magie s'emballer et la pierre à mon cou - que faisait-elle là ? - me brûler.

Eh ! Surveille le ! s'écria la première voix. C'est un magicien de sang, ne l'oublie pas ! La moindre blessure et on est tous mort ! Il est plus puissant que tous les magiciens de sang réunis, ajouta cette même voix. C'est ce que vous vouliez non ? ajouta une troisième voix qui m'était familière. Faut tout de même qu'on puisse le contrôler, prépare une seringue de sédatif, conclut la deuxième voix.

Rigged Magic 1 - BipolarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant