Chapitre 38 - Carlyle

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Mercredi soir

— Comment as-tu pu te laisser duper !

Les cris de colère de mon père ne m'atteignaient pas. Assis sur mon canapé, un verre de vin rouge à la main, je tentais pour la quinzième fois de joindre Brooklyn. La peur faisait battre mon cœur si vite que je craignais qu'il ne s'arrête.

Je me sentais si mal de ne pas avoir compris tout de suite qui était ce magicien gris. Si coupable de l'avoir laissé partir avec Brooklyn. Si coupable de ne pas avoir pu protéger celui que j'aimais. Je me détestais moi et ma magie d'être si faibles face à lui. Enterrée sous la peur, je ressentais une colère brûlante. Elle bouillonnait dans mon ventre, me permettant de tenir face à cette longue attente.

Mon père continuait de vociférer tout en faisant les cent pas dans mon salon. Ma mère tenait Léo dans ses bras. Elle avait réussi à l'apaiser. La magie de pensées s'était assoupie pour quelques heures. Mon fils me dévisageait avec inquiétude. Lui aussi craignait qu'il ne soit arrivé quelque chose de grave. Il aimait tant Brooklyn. Ma mère me regardait avec une neutralité déconcertante, j'avais l'impression de voir le regard de Thussvor et ce n'était pas pour me plaire. Je ne savais pas ce qu'elle pensait et ce n'était pas pour me rassurer. Elle n'avait rien dit depuis qu'Alres avait quitté le vernissage au bras de Brook.

— Je te parle, Carlyle !

— Et je m'en fous !

J'avalai mon verre d'une traite et le posai avec violence sur la table basse. Le pied se brisa net. Mon père sifflait de rage. Je n'avais que faire de bafouer son honneur. Seul Brooklyn importait à cet instant. Je tentai une nouvelle fois de le joindre. Je tombai immédiatement sur sa boite vocale. Mon téléphone manqua de rejoindre le mur tant l'angoisse était forte.

Ne sachant que faire, je décidai d'appeler Thussvor. Rolland était probablement en sa compagnie, peut-être avait-il des nouvelles de la Bloody Mary ou d'Alres. La tonalité disparut après quelques secondes.

— Que puis-je pour vous, Carlyle ?

— Yohan. Je...

Je vérifiai qu'il s'agissait bien du numéro de mon chef. C'était le cas. Pourquoi était-ce l'homme de main de Rolland qui répondait ?

— J'aimerais parler à Thussvor.

— Monsieur Devyan est... légèrement occupé

À peine eut-il prononcé ces mots que la voix colérique de Thussvor me parvint. Étouffée par la distance, je parvins néanmoins à saisir sa colère. Rolland passait un sale quart d'heure. Je n'entendis que des bribes de conversations, mais je n'aurais pas aimé être à la place du millionnaire.

Il savait qu'Alres viendrait à ce genre de vernissage. Il n'avait pas jugé utile de nous en informer et Brooklyn en payait désormais les conséquences. La colère me tordait le ventre. J'entendis la voix de Thussvor s'approcher et remplacer celle de Yohan.

— Est-ce que tu as des nouvelles de Brooklyn ? suppliai-je.

— Non. Toi, ne dis rien.

Il me fallut quelques secondes pour comprendre que ces mots étaient adressés à Rolland. Thussvor devait être terriblement inquiet pour laisser tant de colère filtrer dans sa voix.

— Rolland ne savait pas que tu étais un Morgenstern, ni que Brooklyn se faisait passer pour ta compagne. Il ne savait pas qu'Alres serait présent, il lui avait affirmé des mois auparavant qu'il ne viendrait pas à ce vernissage.

La colère ne s'estompa pas pour autant. Même la culpabilité que j'entendais dans la voix du millionnaire ne parvenait pas à m'apaiser. Je me mis à marcher, incapable de tenir en place. J'avais besoin d'exprimer mon inquiétude pour ne pas imploser. La présence de mes parents n'arrangeait rien. Même si ma mère ne disait rien, je sentais sa demande silencieuse d'explications. Je ne voulais pas m'engueuler avec eux maintenant, pas alors que Brooklyn était en danger et Léo perturbé par sa magie naissante. Je ne voulais pas non plus laisser Léo seul dans sa chambre le temps de mettre les choses au clair avec mes parents.

Rigged Magic 1 - BipolarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant