Chapitre 39 - Carlyle

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Jeudi

Ma tête était douloureuse. Un étau serrait mes tempes. J'avais dû prendre un somnifère pour pouvoir dormir quelques heures. Je n'eus cependant pas l'impression de m'être reposé. Des cauchemars avaient bousculé mon sommeil et me donnaient l'impression d'avoir couru après le fantôme de Brooklyn sans parvenir à l'attraper.

Des vertiges m'assaillirent alors que je m'asseyais au bord de mon lit. J'attendis quelques secondes avant qu'ils disparaissent. La maison était plongée dans le silence. Léo avait déjà dû partir en cours et Thussvor était retourné chez Rolland. Je me retrouvais seul avec cette angoisse que j'avais du mal à juguler. Un soupir m'échappa alors que je me levais.

Vêtu d'un jeans et d'un sweat-shirt noir, je descendis les escaliers. Je me figeai net en sentant l'odeur sucrée de vanille. Les plaques de cuisson étaient-elles allumées ? Je me précipitai vers la cuisine. Thussvor me tournait le dos. Il coupa le feu et servit ce que je supposai être du riz au lait dans un bol. Éberlué, je restai immobile alors qu'il posait le tout sur la table.

— As-tu réussi à dormir ? demanda-t-il.

Ses yeux gris reflétaient une certaine inquiétude devant mon attitude paralysée. Que faisait-il encore là ? Je pensais qu'il était retourné chez Rolland hier soir. Mon étonnement grandit encore lorsque je m'assis devant le bol de porridge. Mon chef venait-il de cuisiner pour moi ? Prenant place à côté de moi, il eut un sourire qui faisait écho à mes interrogations.

— Mon fils...?

— Je l'ai amené au lycée. Il restait du porridge pour toi.

Non seulement mon chef avait fait le petit déjeuner pour mon fils, mais il avait eu la bonté d'âme de l'amener au lycée et de revenir chez moi. En silence, je jurai de ne plus jamais le critiquer. Je renouvelai mon vœu lorsqu'il nous servit du thé.

— Ne devrais-tu pas retourner chez Rolland ? demandai-je après quelques minutes.

— Il attendra. Il y avait des choses plus importantes.

Je hochai la tête.

— Est-ce que Brooklyn a fait signe ?

— Non.

Thussvor s'appuya contre le dossier de la chaise et croisa les jambes avec décontraction. Malgré l'inquiétude, il parvenait à garder son calme. Il gérait bien mieux ses émotions que moi. J'étais si angoissé que je ne parvenais pas à manger. Brooklyn allait-il bien ? Était-il blessé ? Cette incertitude me rongeait les tripes. Je reposai la petite cuillère sans avoir touché le porridge.

— Qu'est-ce qu'on fait ?

Thussvor but une gorgée de son thé.

— Je me charge de retrouver Brooklyn. Fred et Yohan se chargent de poursuivre le travail de l'antidote.

Nouvelle gorgée de thé.

— Et moi ? Tu crois que je vais rester les bras croisés alors que mon compagnon a disparu ?

— Non. J'ai une tâche pour toi, mais ça ne va pas te plaire.

Il reposa la tasse avec délicatesse et me fixa de ses beaux yeux gris. La gravité que j'y discernais me fit frissonner.

— J'aimerais que tu files Alres.

— Quoi ? Mais, Thussvor, il connaît mon visage.

Thussvor soupira.

— J'ai cru comprendre oui. Je ne voulais pas confier cette tâche à Fred. Il est de la même magie qu'Alres, il le repérait plus vite. Et Yohan est aux ordres de Rolland. Même s'ils collaborent avec nous, je ne leur fais pas entièrement confiance.

Rigged Magic 1 - BipolarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant