Rigged Magic 1 - Bipolar

Chapitre 35 - Brooklyn

Mercredi

Sous l'œil attentif de Rolland, je maquillais Thussvor pour la mission de ce soir. Yohan avait réuni des micros et s'attelait à les installer discrètement sur son patron. Du coin de l'œil, j'apercevais Fred qui observait Yohan avec attention. Carlyle surveillait le millionnaire, s'assurant du moindre geste suspect.

J'estompai le fard bordeaux sur les paupières de mon chef avant d'appliquer de la lumière sur ses pommettes et sur le bout de son nez. Je voyais à son regard qu'il n'appréciait pas cet ornement. Il fallait pourtant le faire cadrer à l'ambiance du club et surtout au bras de Rolland. Duncan serait méfiant si son ami venait accompagné d'un homme aussi austère que Thussvor. J'accrochai un épais collier d'or à sa gorge, l'étranglant presque tant il était ras du cou. Les boucles d'oreille tintèrent contre le collier alors que j'arrangeais ses cheveux. Ils étaient si doux et si soyeux qu'ils étaient difficiles à coiffer sans laque. J'appliquai un baume nourrissant sur ses lèvres. Thussvor me lançait un regard exaspéré alors que je lui tendais des sous-vêtements neufs et une tenue choisie par Rolland.

— Hors de question que je porte ça, s'insurgea-t-il en avisant le string noir en dentelle.

— Ton avis n'est pas requis, Babydoll.

Rolland semblait jubiler alors que Thussvor serrait les poings de colère. Il s'enferma un instant dans la salle de bain pour revêtir le sous-vêtement et le pantalon fluide cintré. La veste courte se croisait sur les côtes et le sternum en deux lanières et s'attachait sur les flancs par deux boutons. Elle dévoilait les abdominaux parfaits de Thussvor et laissait apparaître une tache de naissance sur le haut de la hanche gauche. Notre chef ne protesta pas lorsque j'accrochai une chaîne en or autour de sa taille, soulignant davantage la finesse de celui-ci.
Rolland eut un tel regard à l'égard de Thussvor que je me sentis mal à l'aise d'avoir ainsi sublimé le trentenaire. Il le dévorait littéralement de ses prunelles gris clair. Et si Thussvor en avait conscience, il ne laissa rien paraître.

— On fait la même taille, elles devraient t'aller, dis-je en lui tendant mes talons vernis noirs.

— Je ne sais pas marcher avec ça, gronda-t-il.

— Tu as deux heures pour apprendre, Babydoll, déclara Rolland en regardant l'heure sur sa montre de luxe.

Enculé. Ce fut la seule pensée qui échappa à Thussvor. Et malgré le contexte dramatique, cela me fit pouffer de rire. Je grimaçai en voyant Thussvor vaciller. Il était très peu à l'aise sur ces talons, mais je n'en avais pas d'autres. Il fit quelques pas sur le marbre, s'arrêta devant les baies vitrées et fit demi-tour. Il répéta le trajet plusieurs fois, jusqu'à être plus assuré.

— Balance plus tes hanches, commenta Rolland.

À nouveau, des insultes percèrent dans mon esprit. Thussvor était bien plus expressif dans sa tête que ce qu'il montrait. Alors qu'il se rapprochait de Rolland, celui-ci l'agrippa par la taille. Thussvor garda son air impassible, mais je sentis le trouble qui l'habitait. Il ne savait pas quoi faire. Duncan aurait malheureusement vite compris que Thussvor n'était pas le compagnon de Rolland s'il gardait cette attitude froide et détachée.

Je me permis d'intervenir, même si la culpabilité d'imposer cela à mon chef me serra la gorge. D'une main, je poussai Thussvor contre Rolland. J'appuyai dans le bas de son dos, l'obligeant à se cambrer. Un sourire vicieux aux lèvres, Rolland posa délicatement sa main sur le fessier rebondi. Du bout de ma chaussure, je décalai le pied de Thussvor vers l'avant, puis saisis son bras pour le déposer sur la poitrine du millionnaire.

— Regarde-le comme si tu étais éperdument amoureux de lui. Montre-lui qu'il ne te laisse pas indifférent et abandonne cette froideur par pitié.

— Comment veux-tu que je fasse ça ? grogna-t-il.