Chapitre 15 - Brooklyn

118 22 179
                                    

Ce grand bureau m'oppressait. La solitude m'enserra la gorge si fort que je me sentis suffoquer. Ma dispute avec Carlyle remonta gentiment dans mon esprit et je me rendis compte que mes propos, bien que je me sois toujours exprimé ainsi, l'avaient blessé. La culpabilité me noya en quelques secondes. Carlyle voulait me protéger, me sortir de ce cercle vicieux dans lequel mon corps était l'objet de toutes les convoitises. Il voulait simplement me montrer que l'on pouvait m'apprécier pour autre chose que mon physique. Et moi je n'avais fait que me braquer. Seul dans mon bureau, je me sentis minable, pitoyable même.

Ne supportant plus l'idée de ce froid entre lui et moi, je décidai de poser mes dernières heures supplémentaires et de rentrer pour m'excuser. Je ne pourrais pas avancer sur notre dossier actuel sans d'autres éléments. L'apparition de ces pierres projetait un avenir incertain, je ne voulais pas mourir en étant fâché avec Carlyle.

Le trajet ne dura que quelques minutes tant je roulais vite, je manquai même de chuter dans un rond-point. L'esprit obnubilé par les excuses que je devais à Carlyle, j'abandonnai mon véhicule et traversai la rue. L'Audi de mon trentenaire était encore maladroitement parquée devant la maison, signe qu'il n'était pas parti à son rendez-vous. Cela m'ôta une épine du cœur, le soulagement m'envahit alors que je ne l'avais même pas vu. D'un geste sûr, j'ouvris la porte d'entrée. Des cris m'accueillirent et même s'ils ne m'étaient pas destinés, cela me figea.

— Pourquoi tu y vas ? Tu ne connais même pas cette pouffe !

— Parce que je n'ai pas le choix, Léo. Tes grands-parents veulent que je te trouve une...

— Arrête de te planquer derrière cette putain d'excuse ! Tu aimes déjà quelqu'un ! Pourquoi tu t'obstines à leur obéir ?

J'entendis Carlyle soupirer, preuve que ce n'était pas la première fois qu'ils s'opposaient à ce sujet. Malgré moi, ma gorge se serra en entendant les mots de Léo. Carlyle aimait déjà quelqu'un. Qui était-ce ? Qui avait le privilège d'attirer l'amour de mon trentenaire ? Mon espoir se tarit et la douleur s'y substitua.

— Ne dis pas n'importe quoi, commença Carlyle.

— C'est vrai et tu le sais ! Tu l'aimes ! Arrête de te mentir à toi-même !

— Admettons, ça ne changerait pas le problème ! C'est un homme et tes grands-parents ne l'accepteraient pas.

— C'est la seule personne que j'admettrai comme deuxième parent !

Léo hurlait de plus en plus fort. Je ne voyais pas l'expression de Carlyle car il me tournait le dos, mais au relâchement de ses épaules, j'en déduisis qu'il avait abandonné.

— Chéri, dans un monde idéal moi aussi j'aurais aimé que l'on soit une famille avec lui, mais...

— Mais rien ! Dis-lui que tu l'aimes et envoie chier les grands-parents !

— Léo...

— Non ! Je ne veux plus rien entendre !

Des pas précipités résonnèrent dans l'escalier et une porte claqua à l'étage. Un nouveau soupir échappa à Carlyle. Ses mains tremblaient et j'eus le pressentiment que si je n'intervenais pas, il imploserait. Alors je brisais mon état et m'avançai dans le salon. Mes talons claquèrent bruyamment sur le parquet. Carlyle se tourna immédiatement vers moi. Son visage que j'imaginais s'éclairer s'obscurcit, déchirant ma poitrine au passage. La nervosité m'envahit, ce fut la première fois que je restais ainsi paralysé. Carlyle se reprit vite, comme souvent il se cacha derrière un masque de froideur. Il se détourna de moi pour entrer dans sa cuisine ouverte et se servir un verre d'eau.

— Je ne m'attendais pas à te voir ce soir, Brooklyn, murmura-t-il.

Sa voix, brisée par les larmes qu'il retenait, me noya de culpabilité. Je ne perdis par une seule seconde et vins enlacer son dos. Avec douceur, je croisai mes mains sur ses pectoraux et y apposai une caresse. Ma tête se blottit dans son cou - Carlyle était plus grand que moi, même avec mes talons - et le contact de sa peau contre ma joue me rassura. J'inspirai son parfum anisé comme un drogué en manque de cock et resserrai ma prise sur son torse.

Rigged Magic 1 - BipolarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant