Chapitre 10 Souvenirs du passé

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Plongé dans le noir complet, je me retrouve face à mes démons. Ma cellule froide et sombre me donne la chair de poule, je crois devenir fou à chaque inspiration. Pour moi, le noir signifie la mort, depuis le jour où je suis tombé dans le puits étant enfant. Ce jour-là, j'aurais pu mourir, comme pleins d'autres d'ailleurs, si elle n'avait pas été là. Me retrouver dans une pièce aussi lugubre me fait replonger dans des souvenirs que j'aurais aimé oublier.

La nuit est tombée sur la capitale. Comme plusieurs fois, je suis réquisitionné pour chercher de l'eau par mon père. D'habitude, cela résulte du travail des domestiques, mais comme je me bats souvent avec le prince Melvin, on me punit en conséquence. Mes parents ne supportent pas que je puisse en arriver aux mains, alors ils me le font bien comprendre.

Je sors et rejoins la cour du château, un saut à la main. À l'extérieur, tout est calme, j'entends uniquement la chouette se trouvant sur le clocher de l'église en train d'hululer, les grillons striduler, digne d'une soirée d'été. Le ciel rempli d'étoiles, je distingue les constellations que je connais grâce au mestre Kaluir chargé de mon éducation. Quant à elle, la lune brille de mille feux. Grâce à ses fuseaux lumineux, j'arrive à me repérer sans utiliser de torche enflammée pour m'éclairer.

Après avoir profité du paysage nocturne devant moi, je me mets en route. J'attache tranquillement le saut au système de cordage, quand soudain, je sens comme une main me frôler le dos, comme si quelqu'un me pousse. Je ne peux me retourner pour voir qui est cette personne qui m'a fait ça, car je perds l'équilibre et tombe dans le précipice en hurlant de terreur.

L'eau est gelée malgré la chaleur estivale, me faisant grelotter de froid. Je me débats pour rester à la surface jusqu'à ce que je sente mes forces m'abandonner. Je vacille peu à peu, me sentant entraîner par les ténèbres, la tête sous l'eau, essayant de lutter pour pouvoir respirer. Je sais que je vais mourir, seul, sans pouvoir être secouru une seule seconde. Mon père interviendrait une fois qu'il se serait rendu compte que je manquais à l'appel, mais ce serait trop tard, il ne trouverait que mon corps sans vie flotter, j'en suis certain.

Mon cœur palpite, mes larmes coulent sur mes joues, embuant ma vision. Je repense à ma mère. Ses baisers et ses câlins vont me manquer terriblement. Savoir que je ne sentirais plus la douceur de sa peau contre la mienne me terrorise. Quant à Adélaïde, je ne pourrais plus la voir grandir. Je n'aurais plus la capacité de la protéger, ainsi, elle vivra sans grand frère sur qui compter.

Alors que je me sens perdu, une lueur aveuglante apparaît près du bord, laissant distinguer le visage d'une jeune demoiselle qui a l'air d'avoir mon âge. Avec la distance, je ne peux voir uniquement la couleur rousse de ses cheveux flamboyants.

- Nounou, il y a quelqu'un là-dessous ! s'exclame-t-elle, surprise. Vite, une corde !

À peine ordonne-t-elle cela, que je vois la corde être balancée de la bordure. Je n'arrive pas à y croire, comme si la réalité devant moi n'est qu'un mirage. En sentant les fils tissés du cordage efflorer ma peau, je comprends que c'est bel et bien la réalité.

Sans perdre une minute supplémentaire, je la saisis et me mets à escalader la paroi. Arrivé au bout, la jeune fille m'adresse un sourire en me tendant la main. Je suis obnubilé par ses yeux bleus éblouissants qui brillent comme les étoiles dans le ciel. À moins que ce soit le fruit de mon imagination ? Une chose est sûre, j'empoigne sa main aussitôt, me tirant d'affaire. Une fois les pieds sur terre, mes jambes chancèlent, si bien que je m'écroule par terre, perdant conscience.

Je me rappelle cela comme si c'était hier. Toute la scène m'est apparue si claire, comme l'eau de roche. Après cet incident, on m'avait ramené au château pour me prodiguer les premiers soins orchestrés par le mestre Kaluir. Je fus bien malade pendant les jours qui suivirent, me clouant au lit continuellement. Des cataplasmes posés sur le sternum et l'alimentation de soupes riches en minéraux m'avaient aidé à reprendre du poil de la bête.

Sang du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant