Les heures passent, laissant place à des jours. Je reste toujours au même endroit, veillant au corps de mon père. Je sais pourtant qu'il est mort, ce qui ne m'empêche pas de vouloir rester auprès de lui jusqu'au jour de mon couronnement qui se clôturera par sa mise en tombeau. Assise accoudée au bord du lit, je ferme les yeux, pensant à nos instants de bonheur. Son sourire, son regard, le son de sa voix me remonte en mémoire, comme un souvenir lointain. Je n'arrive toujours pas à croire que son âme ai quitté son enveloppe charnelle, qu'il se trouve éloigné de moi.
Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé depuis son décès, j'en ai perdu toute notion. Il peut se passer plusieurs jours que je ne m'en serais pas rendu compte. Je ne sais absolument rien de ce qu'il se passe à l'extérieur de la chambre. Seules mes servantes et ma nounou me rendent visite, surtout pour s'assurer que j'aille bien. Le mestre Kaluir est sûrement très occupé à informer les quatre coins de l'empire de cette nouvelle tragique par le biais des émissaires. Certains rois et lords doivent être en train de se ruer à l'heure actuelle pour pouvoir adresser leurs derniers adieux à leur défunt roi.
Les yeux gonflés par les larmes incessantes, j'entends le battant de la porte s'ouvrir. Mes caméristes et ma nounou entrent, cette fois accompagnées par mon précepteur qui place son attention sur moi.
— Mon enfant, c'est le moment de vous rendre à la salle du trône. Il est important que vous montriez à votre peuple que vous êtes prête à prendre la place de votre père. Vous en êtes capable, finit-il par dire en posant une main rassurante sur mon épaule.
J'aimerais y croire, comme lui, mais une partie de moi doutera toujours. Néanmoins, pour ne pas trahir la confiance qu'il voue en moi, je me promets de rester forte quoiqu'il arrive.
Je sens qu'il me presse à me préparer pour l'occasion, mais pour le moment, je ne me sens pas encore prête. Il me manque encore quelque chose avant de pouvoir me concentrer sur le début de mon règne, à commencer par un dernier adieu à mon père.
— Puis-je avoir un moment, cher mestre, afin de me recueillir seule auprès de mon père ?
— Bien entendu. Prenez le temps qu'il vous faudra, mon enfant, nous vous attendrons.
En disant ces mots, il s'oriente en direction de la porte. Quant à ma nounou, elle pose ses iris sur moi. Elle essaye de dissimuler sa culpabilité par tous les moyens, mais malgré tous ses efforts, elle reste visible à mes yeux. Je sais qu'elle s'en veut de m'avoir entraînée au sanctuaire loin de mon père avant qu'il rende son dernier souffle. Même si je lui dit que ce n'est pas sa faute, que jamais je ne ressentirai de la rancœur envers elle pour cela, elle se jettera toujours la première pierre. Pour ce qui s'est passé, je serai toujours l'unique responsable.
Avec une tendre caresse sur ma joue, elle essaye d'afficher un sourire à mon égard. Je sais que c'est son moyen à elle de ne pas se laisser absorber par ses émotions, une façade semblable à un masque qu'elle arbore sans arrêt pour se protéger.
— Nous t'attendrons de l'autre côté de la porte, me dit-elle.
— Entendu.
Je lui rends son sourire. Cette fois, ses yeux se posent sur mes servantes. Elle leur fait signe de la tête de la suivre, ce qu'elles font sans la moindre hésitation. La jolie brune, quant à elle, adresse un regard étrange à mon père, ce qui m'interpelle. Je n'ai pas le temps de lui adresser le moindre mot qu'elle s'en va avec les autres.
Une fois seule, je regarde la dépouille du défunt, gisant à l'intérieur de son lit à baldaquin drapé de soies. Il a l'air vraiment paisible ainsi, loin de la douleur qui s'est emparée de lui ces derniers jours. Je peux même distinguer un sourire gravé sur ses lèvres affichant un air serein. De le voir ainsi me fait prendre conscience que la vie ne tient qu'à un fil.
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Sang du dragon
FantasyLyrina, princesse du royaume de Durian, est la seule héritière d'une lignée royale ayant la particularité de se métamorphoser en dragon. Contrairement aux membres de sa famille, elle en est incapable. La principale raison, elle ne possède pas le san...