Chapitre 14 La patience est une vertu

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À peine le soleil se lève que les cloches se mettent à sonner. Le procès du fils du traître débute. Tout le monde y assiste, devenant ainsi l'attraction de la journée. Tous se demandent quelle sera la peine encourue choisie par notre empereur.

Aux côtés de Ambre, je me retrouve avec les autres servantes, assistant à la scène sans manquer une seule miette. Je veux être aux premières loges, ainsi, découvrir ce que mijote notre gouverneur. Ce procès a un but précis, se servir de Derreck pour parvenir à ses fins, comme si le jeune homme représente un pion sur son échiquier.

Dans la grande salle, au niveau du trône, le mestre Héros est installé sur un siège apparent, attendant dans le silence. Faisant partie du conseil du nouveau gouvernement, il est généralement convié dans ce genre d'évènement et possède une voix aux chapitres. Pour l'instant, il fait partie des conseillers dont le nouvel empereur a le plus confiance, ce qui joue à notre avantage.

Derreck s'approche, traîné par le prince Melvin et d'autres gardes, accoutré de vêtements sales qui empestent le renfermé et les excréments. Même à l'endroit où je me trouve, cette désagréable odeur atteint mes narines sensibles, ce qui me donne parfois la nausée. Avec un mouchoir en satin, je me recouvre le visage, atténuant la senteur.

À son approche, les brouhahas fusent de toute part dans chaque recoin de la pièce. J'entends les paris que se font le public concernant le sort de l'accusé. Certains spéculent qu'il va mourir sur la potence, quand certains croient qu'il va s'en sortir par je ne sais quel miracle. Bien sûr, aucun d'eux ne connaît quel en sera le prix de sa liberté, sauf moi.

L'empereur lève la main, une fois prêt pour commencer, ce qui entraîne le silence le plus total dans toute la pièce. Même les plus téméraires se taisent, écoutant chaque parole prononcée durant ce procès. Même si je déteste cet homme, j'avoue qu'il impose le respect vu sa carrure et sa manière de se comporter. Son aura est puissante, j'arrive à la ressentir, ce qui parvient à m'effrayer, et je ne suis pas la seule à éprouver cette peur. Dès qu'il ouvre la bouche et qu'il pose ses yeux sur la foule, je vois Ambre trembloter alors que ce procès ne la concerne en aucun cas. Pour la rassurer, discrètement, je saisis sa paume et la caresse par le bout des doigts.

Sans détourner une fois les iris sur ce qui se déroule devant moi, j'attends patiemment la sentence. Comme je m'y attendais, Derreck préfère se ranger contre la princesse Lyrina pour redorer son nom ainsi que celui de sa famille. Comme tous les hommes, il est attiré par le prestige et ce qui en découle, ce que je méprise. Il n'échappe en aucun cas aux règles, ce qui me désole.

Il suffit que l'accusé donne sa décision pour qu'il soit libéré de ses chaînes. À ce moment, je sens le regard empli de jugement des gens se déposer sur lui. Je sais que beaucoup d'entre eux auraient préféré le voir sombrer, ainsi va la nature humaine. Une exécution sur la place publique est toujours appréciée par le plus grand nombre, comme s'il n'y a rien de plus excitant que la vue du sang. Je ressens leur dégoût à plein nez, vu leur tête de désemparé.

Les chuchotements reprennent pendant que le prisonnier s'en va, toujours accompagné jusqu'à la porte. Même s'il est de nouveau libre, on dirait tout de même un oiseau en cage pris la main dans le sac en train de s'échapper. Surtout que sa mission n'est que du pur suicide. On ne remporte pas contre un dragon, surtout pour un simple être humain tel que lui. À peine sa liberté octroyée qu'il va finir calciné par les flammes de l'enfer, ou alors réduit en charpie sous les crocs aiguisés de la bête. Dans tous les cas, l'issue ne sera pas celle escomptée. Je regarde le condamné quitter les lieux, sachant qu'il va pertinemment à une mort certaine. Seuls les Dieux décideront de son sort, son destin est entre leurs mains dorénavant.

Pendant ce temps, la foule en délire se met à se mouvoir, comme si chacun reprenait conscience, continuant ainsi leur vie où elle s'était arrêtée pour un petit temps. Autant les artisans que les commerçants tous sont pressés de reprendre leur tâche quotidienne. Je les vois se hâter à l'extérieur, sans demander leur reste. Certains soupirent de mécontentement, comme si ce procès sans effusion de sang ne représentait pour eux qu'une perte de temps.

Sang du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant