Chapitre 15 Le calme avant la tempête Point de vue Adélaïde

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Cela fait plusieurs jours que Derreck n'est pas entré à la maison sans donner signe de vie. Plusieurs jours que nous nous inquiétons pour lui. Cela ne le ressemble pas, jamais il ne nous quitte pour si longtemps. Il a dû se passer quelque chose, je le sens au plus profond de moi, néanmoins, je reste forte pour maman et pour Lizzy. C'est à moi de représenter le pilier sur lequel elles peuvent se poser, remplaçant mon frère qui a tant fait pour nous depuis des années.

En l'absence de Derreck, c'est à moi qu'incombe la tâche de s'occuper des bêtes. Ne le faisant que rarement, occupée à flâner dans les prés, souvent avec un bouquin à la main, je ne connais pas grand-chose sur le sujet, et je le regrette amèrement. J'aurais dû accompagner mon frère pendant qu'il le faisait au lieu de rester ignorante sans me salir les mains une seule fois. Mais bon, on ne peut pas retourner en arrière, ça ne sert à rien de revenir sur le passé, ce qui compte, c'est l'avenir qui s'offre à nous.

Les premiers rayons du soleil traversant la fenêtre, je commence à me lever. À cet instant, Lizzy dort encore à point fermé. Quelque fois, je l'envie d'être encore une enfant innocente de six ans, sûrement ce que devait éprouver Derreck à mon sujet. Il y a quelque jour, j'étais encore une enfant, maintenant, je deviens peu à peu une femme qui doit se battre pour le maintien de sa famille.

Avec de l'eau récoltée dans le puits la veille, je me lave et ensuite, je me vêts de ma robe beige surplombée d'un tablier blanc. Puis, je tresse mes cheveux blonds. Une fois parée, je quitte ma chambre, rejoignant celle de ma mère afin de m'assurer de son état. Cela me rassure de commencer la journée à la voir respirer. Elle finira un jour par guérir, j'en ai l'intime conviction, même si je ne sais comment cela se fera. Il faut toujours garder espoir, quoi qu'il advienne.

Je descends à l'étable préparant tout le nécessaire pour donner à boire et à manger aux moutons. Ensuite, je m'installe sur un tabouret, tout près de l'enclos, et commence la tonte avec un ciseau en fer bien aiguisé. J'essaye autant bien que mal d'exécuter les mêmes gestes que Derreck, mais l'observer du coin de l'œil n'est pas suffisant pour être parfaitement formée. Je continue tout de même faisant du mieux que possible.

J'enchaîne avec deux moutons, puis trois, jusqu'à ce que mes doigts fins ne peuvent plus actionner le mécanisme du ciseau, trop courbaturés pour continuer le moindre effort. Encore une fois, j'ai le regret de ne pas m'être exercée en même temps que Derreck, ce qui m'aurait permis de me muscler davantage. Mon corps n'est pas assez taillé pour ce genre de travail quotidien, demeurant frêle et fragile.

Une fois la laine détachée des corps de moutons, je les emmène dehors avec un saut en lattes de bois de hêtre qui me servira pour nettoyer le tout afin d'éliminer toutes les impuretés qui peuvent gâcher la qualité, ainsi qu'une brosse dure pour dénouer les extrémités.

Je m'adonne alors à la tâche, remplissant tout d'abord mon saut dans le puits en tirant la corde énergiquement afin de le remonter à la surface, puis je me mets au travail. Je n'ai pas le temps de me reposer sur mes lauriers, il faut que tout soit parfait au retour de Derreck. Même si nous n'avons aucun signe de vie, j'ai bon espoir qu'il réapparaisse, car comme le dit l'expression : l'espoir fait vivre.

Trempant et frottant les laines avec énergie, je continue sans relâche, puis je les laisse sécher sur le métier à tisser en bois lustré. Demain, je pourrais en faire quelque chose, mais dorénavant, il est bien trop tôt. Je profite alors de cet instant pour pouvoir rentrer à la maison, une fois le travail achevé.

J'ouvre à peine la porte que je suis accueillie par les piaillements de l'oisillon qu'on a recueilli il y a quelques jours. Toujours avec son attelle recouvrant son aile, il saute de barre en barre pour se rapprocher le plus près possible des barreaux afin de m'accueillir chaleureusement. Même s'il ne peut plus voler pour le moment, il déborde d'énergie, sifflotant une ravissante mélodie. Je me rapproche de lui, le sourire aux lèvres.

Sang du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant