Chapitre 3 L'éclosion d'une rose

70 16 45
                                    

L'automne laisse place à l'hiver. En cette période de l'année, « le bal des débutantes » a lieu tous les ans, un passage obligatoire pour chaque demoiselle de dix-sept ans afin d'avoir sa place dans la société. Comme j'ai atteint cet âge-là, je participe à l'évènement, contrairement aux autres où je n'étais que spectatrice, observant attentivement sur le balcon chaque pas exécutés avec minutie.

Avant de me jeter dans la gueule du loup, je profite de mes derniers instants de liberté. Sur le dos de Willow galopant à vive allure, nous franchissons les sentiers de la forêt de Brugge. Les yeux grands ouverts, l'air émerveillé, je me laisse porter par les bruissements de sabots, l'une des plus douces mélodies qui atteint mon cœur.

Je contemple le paysage qui se dresse devant moi, observant les arbres dénudés qui filtrent à peine les rayons du soleil qui atteignent faiblement mon visage. La chaleur ressentie est semblable à une caresse sur ma joue. Je ne peux m'empêcher de fermer les yeux, profitant de cet instant de pur bonheur.

En cette période de l'année, les animaux se font de plus en plus rares, la plupart se trouvant en hibernation ou ayant quitté les bois pour rejoindre les pays chauds jusqu'à la saison nouvelle. Nous sommes comme seules au monde dans cette étendue sauvage.

Après avoir galopé durant plusieurs heures, je sens que Willow a besoin de se poser quelques instants. Nous nous arrêtons devant la rivière qui jamais ne cesse de s'écouler par tous les temps. Nous nous approchons toutes les deux, nous abreuvant. Mes mains jointes, je les trempe dans l'eau, puis les approche de ma bouche pour pouvoir la boire. Je me sens revigorée par sa fraicheur qui traverse mon œsophage.

Ensuite, je m'assois sur l'herbe fraiche, contemplant ma jument en train de brouter. Je regarde par la suite le ciel. Malgré le soleil, je découvre des nuages gris en train de faire leur apparition dans le vaste ciel. Cela n'annonce rien de bon, surtout durant cette saison hivernale, la neige n'est toujours pas loin.

Je décide de ne pas trop m'attarder ici, prenant les brides de mon cheval. Me tenant à son cou, je me penche pour pouvoir monter sur son dos. À peine installée, nous partons au triple galop, regagnant le château aussi vite que nous en sommes parties.

Une fois entrées, la pluie se met à tomber, nous arrivons vraiment à temps. Nous sommes aspergées de ses gouttelettes de rosées. Cette fois au trot, nous atteignons les écuries royales. Je mets pieds à terre et guide ma monture dans son boxe, observée par les palefreniers. Je sais que c'est leur travail de s'occuper des chevaux, mais je préfère m'occuper moi-même de Willow. Après tout, c'est en s'occupant d'elle que nous avons fini par être inséparables.

Je vais ensuite chercher un saut rempli de carottes et d'avoines, après une telle course, elle le mérite amplement. Puis, avec une brosse dure, je me mets à panser sa robe douce et soyeuse, tout en chantonnant et sifflotant gaiement.

Perdue dans ma tâche, je distingue à peine ma nounou Anita qui débarque en trombe auprès de moi.

— Lyrina, te voilà enfin ! s'exclame-t-elle. Je t'ai cherchée partout.

Je me détourne de ma tâche, croisant ses iris.

— Je suis allée faire un tour dans la forêt avec Willow.

— C'est vrai que c'est le bon moment, ajoute-t-elle sur un ton ironique. Toujours sans escorte, à ce que je vois.

Comme une mère, elle s'inquiète toujours pour moi.

— Ne t'en fais pas, je ne risque rien, essayé-je de la convaincre.

— C'est ce que tu disais la dernière fois.

— Cette période est révolue, nounou.

— Si tu le dis.

Cette fois, elle me contemple de la tête aux pieds, surprise par ce qu'elle observe.

Sang du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant