Chapitre 17 Des retrouvailles enflammées

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À mon réveil, je chasse des lapins, des biches pour attiser cette faim insatiable. Depuis ma transformation, mon corps change, je ne ressens plus les mêmes besoins que quand je me trouve uniquement sous ma forme humaine. Mon père m'a raconté un jour, que durant ces escapades, son instinct animal prenait le dessus, et parfois, il lui laissait le libre arbitre de s'exprimer pour pouvoir se nourrir. Je fais alors pareil que lui, même si l'appétit d'un dragon me surprend toujours.

Une fois nourrie, je repense à Derreck. Je refuse de croire que c'était bien lui la veille, qui me visait avec son arc. Dorénavant, il doit être parti, très loin d'ici. Instinctivement, je me dirige à l'endroit où je l'ai vu pour la dernière fois. Je suis soulagée de ne pas l'apercevoir.

À peine je lâche un soupir que des clapotis dans la rivière me tirent de ma contemplation. Je m'approche, toujours sur mes gardes, et le découvre en train de se laver dans l'eau froide. Son torse nu, je distingue des muscles qui se sont dessinés au fil du temps sur son buste et ses bras, le rendant bien bâti. Il n'est plus l'adolescent de quatorze ans que j'avais vu la dernière fois, mais un homme fait de dix-huit ans.

Sur son ventre, près des côtes, je distingue sa cicatrice toujours profonde. Je ne peux m'empêcher de baisser les yeux en la regardant. À cause de moi, il a failli mourir, et pour cela, je ne me le pardonnerai jamais.

— On ne t'a jamais dit au château que ce n'est pas bien de regarder les hommes en train de se laver, s'exclame-t-il, ce qui me tire de ma rêverie.

D'entendre le son de sa voix me fait un électrochoc. Même si elle a mué, il y a toujours la même intensité qui en émane, me donnant l'impression de replonger dans le passé. Mes grands yeux ronds ouverts de surprise, je suis comme paralysée. C'est quand il se lève, laissant apparaître son sexe, que je me détourne. Mon cœur bat la chamade et le rouge me monte aux joues. Une chaleur jamais ressentie se répand dans chaque parcelle de mon corps.

Quand je reprends le contrôle de mon esprit, je ne peux plus rester ici. Je cours à toutes jambes, pour m'éloigner le plus loin de lui.

— Lyre, attends ! m'appelle-t-il.

Même si cela me fait du bien d'entendre de nouveau mon surnom que lui seul prononçait quand nous étions enfant, je ne peux rester à ses côtés. Une haine emplit mon cœur depuis qu'il m'a visée avec son arc, cette image refuse de me quitter. Concentrée droit devant, je n'entends que ses cris incessants.

Tellement concentrée sur ma fuite, que je n'entends pas qu'il me suit. Soudain, je sens sa main mouillée me saisir par la taille. Ensuite, il me tourne dans sa direction, comme si je ne suis qu'une poupée de chiffon. Des gouttelettes déferlent sur son corps vêtu de sa chemise blanche crasseuse et de ses bas de chausses beiges.

— Je vois que tu as oublié que je suis le plus rapide de nous deux, m'interrompt-il.

Sa prise est sans faille, que je ne peux m'en détacher. Je me débats continuellement, comme si je peux le fuir.

— Lâche-moi ! crié-je.

— Je ne te lâcherai pas tant que tu auras toujours l'intention de me fuir. Je crois bien qu'une discussion s'impose.

— Je n'ai rien à te dire.

— Tant pis, je parlerai pour deux.

— Ce que tu diras ne changera rien à ce que tu as fait. Je n'aurais jamais pensé que tu me trahirais ainsi en voulant me nuire !

— Tu crois que je ne me suis pas senti trahi le jour du jugement de mon père !

Il n'a pas tort. Ce jour-là, je n'ai rien pu faire pour empêcher quoi que ce soit, alors que j'aurais dû en tant que son amie. Au lieu de cela, j'ai gardé le silence, exécutant les ordres comme un petit soldat, le laissant chuter dans les abysses. Et pour cela, je m'en veux terriblement.

Sang du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant