Sang du dragon

Chapitre 19 Le jugement dernier Point de vue Derreck

Cette nuit a été la pire de ma vie. Je n'ai cessé de pleurer jusqu'au moment où je suis parvenu à m'endormir. La douleur est si énorme, que je n'arrive pas à l'évacuer, malgré les larmes versées. Je ressens le néant s'installer dans mon cœur.

Lyrina était restée à mes côtés jusqu'à ce que je ferme les yeux. Elle gardait le silence, sans se montrer envahissante, m'épaulant par sa simple présence. Elle savait ce que je désirais en ce moment de tristesse, respectant ma volonté.

Malgré le fait que je sombre dans le silence profond, mes souvenirs du passé viennent toujours me hanter, me montrant que je n'ai pas le droit au bonheur. Malgré la haine que je ressens pour la jeune princesse depuis tant d'années, c'est comme si elle s'est volatilisée, rien qu'en posant mes yeux sur elle. Elle possède ce don, sans que je comprenne pourquoi, ce qui n'empêche pas mon souvenir le plus terrible de remonter en ma mémoire, semblable à une mise-en-garde.

Trois jours, je suis resté au lit, les mestres me prodiguent sans relâche les soins adéquats, pour ne pas sombrer dans l'abîme. Ils me répètent toujours la même chose « Ne bouger surtout pas jeune homme, sinon votre plaie va s'ouvrir et va s'infecter de nouveau ». Je n'ai pas d'autres choix que de rester cloué allongé, sans exécuter le moindre mouvement.

Seules mes sœurs et ma mère me rendent visite. Adélaïde, toujours aussi souriante et friande de câlin, vient toujours dans mon lit, afin de me prendre dans ses bras. Quelques fois, je sens des frottements au niveau de mes côtes, l'endroit où les mestres ont recousu précautionneusement ma chair. Mis-à-part cela, je ne ressens rien.

Lizzy, en revanche s'approche peu de moi, la plupart du temps restée dans les bras de ma mère, qui demeure silencieuse, attristée par les évènements. La seule fois qu'elle ouvre la bouche, s'est pour me prévenir que mon père va être jugé quand je serai rétabli, ni plus, ni moins.

Malgré le fait que mon père fasse partie d'une rébellion contre les dragons, je le nie à l'intérieur de moi. Ce ne peut pas être possible, il n'aurait jamais fait ça, pas lui. Cet homme droit ayant le sens moral, n'aurait pas pu faire cela à Lyrina, une jeune fille âgée à peine de treize ans. J'ai beau retourner la scène dans ma tête que je n'arrive toujours pas à y croire. Comme quoi, nos proches ne sont pas ce qu'ils prétendent être.

Quant à ma meilleure amie, elle ne me rend pas une seule fois visite. Chaque heure qui passe, je me demande ce qu'elle est en train de faire, se trouvant sans doute seule dans sa chambre, culpabilisant. Elle se remet à peine de la mort de sa mère qu'une tragédie survient au seul moment où elle s'autorise à revivre comme avant, loin des tourments.

À cet instant, j'aurais aimé pouvoir me lever pour lui rendre visite et lui assurer que tout va bien. La menace est écartée, je ne risque plus rien. La mort demeure loin derrière moi dorénavant. Mon pronostic vital n'est plus engagé, et je ne garderai aucune séquelle, mis-à-part une cicatrice qui ne s'estompera jamais au fil du temps.

Au moment où je me sens le mieux, on ne me laisse à peine le temps de me reposer. Je me lève à peine, qu'on me prépare sans plus attendre pour le procès de mon père. Comme une cérémonie, on m'apprête à la manière d'un seigneur, une chemise blanche avec des chausses noires. Mes cheveux blonds m'arrivant aux épaules sont coiffés en arrière.

Adélaïde, elle aussi, est vêtue comme une belle lady, avec une robe blanche, prouvant l'innocence. Ses cheveux blonds sont tressés, dégageant son visage, ce qui fait ressortir ses traits et la couleur de ses iris verts. Ma mère est habillée de la même manière, attestant que ma petite sœur est bien sa copie conforme.

Par la suite, nous nous rendons dans la salle du trône, des rangées de banc sont installées de part et d'autre dans toute la pièce. Tous les nobles sont conviés pour assister au procès de ceux ayant comploté contre la famille royale.