Sang du dragon

Chapitre 42 Le goût du miel

Cela fait des heures que je n'ai pas cessé de danser, surtout pour le bon plaisir de Lizzy. Cette enfant a plein d'énergie à revendre. Elle est infatigable contrairement à moi. Je suis épuisée, mes jambes me font très mal. Même allongée dans mon lit, je n'arrive pas à les soulager. La nuit promet d'être longue et douloureuse, contrairement à ce petit monstre, qui me sert de sœur, qui arrive sans la moindre difficulté à se laisser emporter dans le royaumes des songes. Cette enfant ne cessera jamais de me surprendre. 

Ma mère non plus n'évoque aucune difficulté à trouver le sommeil. Elle s'endort en moins de deux, surtout depuis qu'elle a retrouvé son fils et qu'elle est sûre qu'il ne lui arrivera rien. Ses rêves sont maintenant emplis de bonheur, bannissant tous les cauchemars qui venaient la hanter toutes les nuits. Elle a retrouvé cette joie de vivre qu'elle avait d'antan, ce qui me soulage. Elle a combattu sa maladie sans relâche pour rester à nos côtés. Pour cela, je lui en serais toujours reconnaissante. Je ne cesserai jamais d'avoir besoin de ma maman à mes côtés, même si je sais qu'elle n'est pas éternelle. Je compte profiter de chaque instant partagé avec elle jusqu'au dernier, en espérant qu'il arrivera le plus tard possible. 

Me tournant dans tous les sens à l'intérieur de mon plumard, j'essaye de trouver tant bien que mal le sommeil, ce qui ne marche pas pour le moment. Mes yeux papillonnent sans se fermer pour autant. Je n'arrive pas à lâcher prise, ce qui me rend folle. Pour le coup, j'envie ma sœur et ma mère qui n'ont en aucun cas les mêmes difficultés que moi.  

A force de me torturer l'esprit, je finis par baisser les armes. J'abandonne, ce n'est pas en m'acharnant ainsi que je parviendrai à trouver le sommeil. Sans faire le moindre bruit, je décide de me lever. Cahin caha, je quitte ma chambre discrètement. Malgré la douleur à mes jambes, cela me fait du bien de me retrouver debout. A cette heure-ci, tout le monde est endormie. Je suis la seule réveillée, comme si je suis atteinte d'une malédiction m'empêchant de trouver le sommeil, ce qui arrive à me mettre en rogne pour un petit temps. En même temps, j'apprécie d'être seule dans cette ville souterraine, loin des autres. Quelque part, je me sens libre, loin des regards. 

Instinctivement, je me laisse guider par mes pas qui m'entraînent à l'extérieur de la grotte. Le vent souffle sur mon passage, faisant voler mes mèches de cheveux devant mes yeux. Aveuglée par la nuit, la lune et les étoiles sont la seule source de lumière à ma disposition, ce qui ne m'empêche pas de me diriger. Cet air vivifiant me fait du bien, j'ai l'impression de pouvoir respirer de nouveau. Je n'ai pas quitté la grotte depuis la veille de la bataille. Jamais je n'aurais pensé qu'à ma dernière sortie, ce serait l'une des dernières fois où la paix régnait en maître. Tout paraissait calme et serein avant que la princesse et mon frère débarquent pour rejoindre le clan des ombres. C'était comme si nous nous trouvions dans une illusion nous séparant de la réalité tout en nous faisant oublier que la guerre était possible. Maintenant, la vérité nous a rattrapé. Nous ne sommes plus en sécurité, tout peu arriver en un claquement de doigt, ces dernières vingt-quatre heures nous l'ont bien montrés. La vie ne pourra plus être paisible comme avant. Nous sommes tous impliqués dans ce combat sans fin, c'est à nous de choisir comment on veut y prendre part. 

Sur le chemin, je vois des herbes recouvertes de sang, des champs de fleurs brûlés, des arbres brisés se retrouvant à même le sol, vestiges de la bataille du dragon. Certains des animaux ont pris la fuite, je n'entends plus les hululements de la chouette que j'entendais chaque nuit depuis mon arrivée ici. Tout paraît désert dans ce coin de la forêt, me rendant comme seule au monde. Seuls les sons de la rivière qui se déverse se laisse percevoir par mon oreille interne.  

Je me laisse guider par les bruissements, en espérant rejoindre le petit étang à quelques pas de là. C'est ici que provient le berceau de la source souterraine avant de se déverser sous terre. Je me remémore du chemin parcouru, essayant de le reproduire du mieux que je le peux dans l'obscurité la plus totale. Je me laisse mener par mon instinct dans le silence, agissant comme une ombre. Des buissons puis le sentier apparaissent devant moi, semblables à mes souvenirs. Je ne suis plus très loin de la destination escomptée.