Chapitre 38 Un goût interdit Point de vue Lyrina

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Après un banquet riche en émotion, je regagne ma chambre. Je n'y suis depuis pas longtemps, et pourtant, je m'y sens très bien entre ces quatre murs. La disposition des meubles, du lit, est pratiquement identique à celle du château, me faisant l'effet de me retrouver chez moi. Le seul grand changement reste la teinture des façades.

La bordure de la grotte reste froide et humide, contrairement à la chaleur des murs porteurs que la pièce où je restais la plupart de mon temps, de ma naissance jusqu'à mon départ précipité.

Allongée sur mon lit, j'essaye de trouver le sommeil, mais en vain. Je regarde le plafond dans le silence, me perdant dans mes pensées. Cette journée a été éprouvante, pleine de rebondissements. Le souvenir de la bataille, ma conversation houleuse avec Kalia, me pétrifient sur place, m'empêchant l'accès à mes songes. A chaque fois que je ferme les yeux, je revois les scènes d'horreurs sur le champ de bataille, les plaines rougies par le sang, les cadavres jonchant le sol. Je ne peux m'empêcher de me dire que c'est de ma faute. 

On dit beaucoup de choses sur la mort, notamment que c'est un passage obligé de la vie, et pourtant, je ne peux m'empêcher de penser que ce sort est injuste. Cette nuit-là, j'ai exterminé plusieurs combattants du côté adverse, me rendant juge de leur exécution. Sur le coup, je n'ai rien ressenti, contrairement à cet instant où je me retrouve seule avec mes pensées. Les cris agonisants, l'odeur du sang ayant atteint mes narines, la vision des corps en train de bruler sous mes flammes incandescentes, me donnent la nausée. Je me haïs d'avoir commis cela.

Une sueur froide se répand dans tous mon être, ma respiration se fait haletante, me donnant l'impression d'étouffer. J'ai vraiment besoin de prendre l'air. D'un bond, je me lève et ouvre la porte avec fracas. Sans m'y attendre, Derreck se trouve sur le seuil, attendant droit comme un piquet, sans émettre le moindre son. Son seul moyen de communication reste son regard. Ses yeux ardents comme la braise, me dévisagent. Une étrange sensation me parcoure l'échine, me donnant l'envie de me retrouver en lui. Cet homme m'obsède, je ne peux rien y faire. Malgré tout, je ne dois pas le lui montrer si je ne veux pas briser notre amitié. Elle m'est bien trop précieuse pour pouvoir la briser. Sans lui à mes côtés, je ne peux survivre, alors, s'il me fuit parce que j'ai tenté quoi que ce soit, je m'en voudrait toute ma vie. 

— Je dérange ? me demande-t-il, voyant que j'étais sur le point de partir.

— Non, pas du tout, au contraire. Vas-y, entre. 

Pour moi, c'est tout à fait naturel de le laisser entrer. Nous l'avions bien fait une fois quand nous étions ado, même si c'était la dernière fois qu'on se voyait. 

J'étais pourtant pressée de quitter cette pièce il y a peu. Le fait qu'il soit auprès de moi m'apaise, enlevant tous les doutes qui me rongent de l'intérieur. Je fais un pas en arrière et le laisse entrer. 

— Alors, que veux-tu ? le questionné-je. 

— Je voulais savoir comment tu allais. 

— Tout va bien, merci de s'en soucier. Autre chose ?

— Non. 

J'ai l'impression de revivre cette fois-là à quelque chose prêt. Ma façon de le voir diffère complètement. Je ne peux m'empêcher d'être déçue qu'il soit venu uniquement pour ça. 

— Maintenant que tu t'es assuré que j'allais bien, tu peux me laisser. J'ai besoin de dormir, la bataille m'a beaucoup épuisée.

 — N'étais-tu pas sur le point de partir

— Si, mais j'ai changé d'avis. Et baste ça, j'ai le droit de faire ce que je veux sans que tu donnes ton avis. Maintenant, si tu veux bien m'excuser, la porte est grande ouverte. 

Sang du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant