Chapitre 26 Les derniers préparatifs

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Le clan des ombres se prépare à l'assaut, Isidore et ses forgerons nous remettent en main propres les armements à tous, notamment des armures de plates, des lances, des épées, des armes de toutes formes. Pendant ce temps, des servantes m'accompagnent dans un coin de la grotte aménagée comme une chambre dont l'accès est bloqué par une porte en bois, constitué d'un lit qui ne paye pas de mine et d'une table de chevet avec un tabouret. Elles coiffent ensuite mes cheveux de manière à ce que mes mèches ne me tombent pas devant mes yeux.

Ensuite, elles m'aident à me vêtir d'un pantalon et d'une armure de corps en cuir que j'ai choisi moi-même. J'attache autour de ma taille le fourreau de ma nouvelle épée, qui ne me sera pas de grande utilité. Je n'en aurait surement pas besoin, car j'ai en ma possession une bien meilleure arme.

La lame est de piètre qualité, comparée à ma dague que j'affectionnais énormément durant des années. Fabriquée grâce au même matériau, en revanche, l'art différait à celui du forgeron impérial qui me l'avait fabriqué. Je ne pensais pas un jour pouvoir utiliser une arme d'une si médiocre qualité, me faisant regretter l'absence de « dent de dragon ». Il avait fallu un seul jour que je m'en sépare pour que le drame se produise. Et maintenant, elle demeure loin de moi. Je me sens comme vidée de quelque chose, comme si une partie de moi manque à l'appel.

Néanmoins, d'être habillée de cette façon me procure un plaisir hors du commun, me replongeant dans le passé durant mes séances d'entraînements à l'épée. C'était à ces moments-là que je me sentais la plus vivante, loin des protocoles et des cours de bienséance. D'avoir abandonné la robe qui entravait mes mouvements m'apporte une certaine liberté, à commencer par redevenir moi-même.

Une fois parée de ce nouvel accoutrement, je quitte cette pièce drapée de bougies et gagne seule le coin dédié à la prière. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas retrouvée auprès des Dieux. Depuis le décès de mon père, je n'ai fait que leur tourner le dos et je le regrette. Je leur en voulait tellement, qu'une fois la colère passée, j'ai fini par réaliser que c'était leur volonté. Ce sont eux qui ont décidé que mon oncle prenne les rennes de Durian, pour que je puisse me battre pour le lui reprendre. Ce sont eux qui ont décidé que Derreck me revienne.

Comparé au sanctuaire du château, cet endroit est reculé dans l'une des cavités les plus sombre de la grotte. Un petit autel fait de pierre est érigé au centre, entouré de plusieurs bougies embrasées, attestant la présence de plusieurs pèlerins venus nourrir les lieux de leurs prières. Tout à droite se trouvent celles qui n'ont aucun propriétaire. J'en prend donc une, puis embrase la mèche. Ensuite, je la dépose avec les autres, et commence mon oraison.

Commençant à peine de fermer mes paupières pour plonger dans mes songes, j'entends du mouvement provenant de derrière moi.

— Ne devez-vous pas mieux vous préparer, princesse ? me questionne Kalia, à peine arrivée face à moi. Vous serez pourtant sur le front dans quelques minutes à peine. Avec cette armure, je suis sûre que vous ne ferez pas long feu.

Je me retourne, découvrant ainsi la jeune femme arborant une armure de jade et une lance avec une pointe bien acérée. Accoutrée de cette façon, on aurait dit une vraie guerrière. Je suis bien heureuse de me retrouver dans son camp et non l'inverse.

Dans notre société, les femmes ne peuvent se trouver sur un champ de bataille, à cause de la dangerosité, la barbarie, mais surtout à cause de la mort. Depuis la nuit des temps, on nous prend pour des créatures frêles et fragiles, semblables à des oisillons en cage qui doivent surtout rester le plus éloignées possible du danger, ce que je trouve honteux. Femme ou pas, on a le droit de choisir notre destin et de nous battre pour défendre nos convictions. Il n'y a pas de plus belle mort sur cette terre que de mourir l'épée en main.

Sang du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant