----------------Theme song: Désolation - Tom Player
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La réeducation... C'est comme ça que les médecins appellent la phase post-traumatique. La réadaptation fonctionnelle et la réhabilitation à la vie quotidienne. Elle est douloureuse physiquement mais c'est le mental qui faiblit en premier.
Les kinésithérapeutes défilent chaque jours. Infirmiers, Psychologue, ergothérapeutes, médecins en tout genre... Tous masqués et désinfectés de fond en comble, ils arpentent les couloirs pour me faire travailler. A la télé, on ne parle que de ce virus qui attaque les voies respiratoires, du nombre de morts qu'il engendre. On me repete sans cesse à quel point il est dangereux pour moi.
Controle de la température deux fois par jour, prise de sang trois fois par semaines. Evaluation de la capacité respiratoire tous les mardi matin. Même mes proches doivent s'y contraindre.
"Encore Elena. Me dit Natasha."
Je suis déterminée. Enchainant les répétitions devant le miroir de la salle de sport, je muscle mon bras. Développé millitaire, couché, biceps curl et j'en passe. Tout est à reconstruire. Natasha me pousse dans mes retranchements. Evacuant ma colère par la même occasion, j'ai l'impression de vider tout ce qui est impure en moi...
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Un masque a oxygène sur le visage, on controle ma force expiratoire. Soufflant le plus fort et le plus longtemps possible, je vis s'afficher un chiffre sur l'écran. Mon kiné pinça les lèvres et mon père secoua la tete en tournant les talons. Mon poumon droit ne coopère pas. Touché par mon hémiparésie, j'ai parfois de grosses difficultés à respirer pendant l'effort.
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Courant dehors avec Natasha et mon kiné, je parviens à aller plus loin que la dernière fois. Après deux semaines intensive, je réussi enfin à courir.
A bout de souffle, je sentis ma jambe droite faiblir. Sans prévenir, elle lâcha et je m'écroula dans l'herbe. Natasha et mon kiné s'arrêtèrent à coté de moi. La belle rousse fit signe au médecin de ne pas intervenir.
Sentant ma jambe trembler, je crocheta ma main sur ma cuisse. La suppliant silencieusement de se calmer, je serra les dents en relevant le regard. A plusieurs dizaines de mètres, entre les pieds de Natasha, je vis mon père nous regarder. Derrière la baie vitrée de son labo, il me toisait les bras croisés.
Je tourna la tete vers le sol et m'appuya avec mes deux mains. Me relevant difficilement, je sentis ma jambe me lancer. Mon kiné était attentif à ce membre lésé. La voyant trembler, il décida de mettre un terme à cette séance.
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J'étouffe ici, à cause du covid, je ne peux pas sortir de chez moi. Tant que ma capacité ventilatoire ne s'est pas améliorée, je n'ai que ces demi-course autour du domaine pour prendre l'air.
Devant un sac de sable au beau milieu de la nuit, je frappais sans me poser de question. Sentant la différence de force encore bien présente entre mes deux bras, j'enchainais les coups du droit comme si elle allait s'atténuer.
Frappant plus fort, j'avais l'impression que mes articulations allaient se déboiter. Mes muscles faiblissent mais j'ai besoin de plus. La douleur me permet de garder les pieds sur terre. De rester encrer dans le présent sans penser au passé.