Chapitre 9

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Il braque son arme sur moi, je respire difficilement. Passer par toutes ses émotions en quelques secondes est perturbant. Il s'approche, je ne bouge pas, comme figée dans le temps. Mon cœur s'accélère au gré de son rapprochement, mon front goutte , je vais finir comme ça, c'est mon destin.

Il m'attire à lui, je suis l'arme des yeux, il la range à l'arrière de sa ceinture. Il pose ses lèvres sur les miennes. Je ne comprends rien. Je l'ai insulté, il devrait me malmener ou même me refroidir. Il en a tué pour moins que ça. Je sens ses lèvres bouger au gré des miennes, l'ambiance est électrique, je sens ses mains se poser sur mes fesses et les pincer. Je gémis de douleur entre ses lèvres. Il noie ma douleur avec son baiser enflammé. Je pose mes mains sur lui, il les retire brusquement et me pousse . Il tient dans sa main ma lettre, une diversion.Je braque son arme sur lui, j'en ai profité pour la lui subtiliser.

— Donne-moi la lettre!
— Tu ne tireras pas!
— Tu en es bien sûr? Tu ne sais pas qui je suis!
— Je sais tout de toi! La veuve noire!

Deux fois qu'il emploie ce qualificatif. Je ne me laisse pas atteindre par ses mots.

— Donne-moi cette putain de lettre!

Il ricane, je perds patience, j'enclenche le cran de sécurité. Il pose ses yeux sur l'arme. Oh non, il ne sait rien de moi.

— Tu es trop faible gamine!
— Va te faire foutre!

Je tire, mais il ne se passe rien. Une ruse de sa part et je suis tombée tête la première. Je me sens si stupide. Je jette l'arme au sol et je pleure de frustration.

— Connard!

Il s'approche de nouveau de moi, mais je ne veux plus de contact avec lui, je veux rester loin de ce manipulateur. Il continue d'avancer et m'attire de nouveau à lui. Je le rue de coups, pour décharger cette frustration, cette douleur qui irradie tout mon corps. Il me retient les mains, encore sa phobie qu'on le touche. Il m'embrasse violemment cette fois. Rien de similaire au baiser de la ruse. C'est passionnel, destructeur, violent. Je réponds à son baiser, nos dents claquent au gré des mouvements. J'ai le souffle court, il me porte, j'entoure mes pieds autour de sa taille. Il me pose sur le bureau, le baiser amplifie. On entend des coups de feu, on se détache.

— Cache-toi !
— Quoi!
— Putain va te cacher.

Il sort une arme, cette fois-ci chargée et sort de son bureau en refermant. Je me cache dans la pièce attenante. Je tâte le mur pour allumer. Je ne supporte pas la nuit sombre.

Je réussis à trouver un interrupteur, j'allume et mes yeux se posent sur une chambre. Il y a une chambre attenante à son bureau. Qu'est-ce qu'un lit fait dans un bar aussi branché? Je n'ai pas le temps de me poser des questions, j'entends du bruit, j'éteins la lumière et me cache sous le lit. La porte s'ouvre au ralenti, je vois des pas s'approcher du lit. Cette fois, c'est terminé, je vais mourir. J'ai imaginé cette scène combien de fois? Je ne les compte plus. Il se baisse pour regarder en dessous du lit, j'entends un bruit de tir et il s'effondre au sol.

— Kristen, ça va?
— Non, rien ne va!
— Raphaël va t'accompagner à la maison. J'ai du nettoyage à faire.

Nettoyage? se débarrasser des corps encore chauds ensanglantés. Je quitte ma cachette, il est blessé et une balle s'est logée dans son bras. Je fixe sa blessure, ses hommes entrent et se dirigent vers le cadavre.
Raphaël m'empoigne le bras et me dirige vers la voiture. Je suis liquéfiée, il me traine , mes pas se font de manières mécaniques. J'ai l'impression de vivre ces minutes au ralenti, tout est si étrange. J'ai remis un pied dans cet enfer. La voiture roule, mais je ne redescends pas, je suis toujours dans cet état entre deux. Raphaël me parle, mais je ne réponds rien, ma bouche en est incapable, aucun son ne sort.

La voiture s'arrête, je cours et je claque la porte de la chambre. Je craque, je peux, il n'y a personne pour me juger ou me rabaisser. J'évacue cette journée qui n'aurait jamais dû se terminer comme ça. J'imaginais lire cette lettre , de l'homme qui fait battre mon cœur et retrouver le goût de vivre. Je m'étais imaginé élaborer un plan pour le retrouver. Mais ça recommence, des gens sont morts, blessés ce soir. Ça n'aurait jamais dû arriver dans un monde meilleur.

Je reste les heures suivantes, prostrée sur mon lit, tentant d'effacer cet épisode qui s'ajoute aux autres. Je suis forte, disait ma psychiatre, tout ira pour le mieux. Mais c'est faux, je suis encore cette veuve noire qui apporte la mort la où elle se trouve. Je suis maudite, le karma qui tente d'obtenir sa revanche.

J'entends du bruit, dans la salle de bain attenante à ma chambre. J'ouvre la porte et je jette un œil. C'est Liam, il se saisit d'une trousse de soins, sûrement pour soigner sa blessure. Il pose les yeux sur moi, mais je n'y vois aucun reproche ou jugement. Je me décale pour le laisser sortir, il rejoint sa chambre, dans un calme olympien.
La porte de sa chambre se referme, je regagne ma chambre, m'assois sur le lit et je m'allonge. Mais mes pensées se bousculent dans ma tête, je ne pourrais pas fermer l'œil de la nuit. Je suis cette veuve noire, qui apporte la mort. Je suis maudite...

Je me relève, non, je ne pourrais pas fermer l'œil de la nuit, trop submergée par des pensées noires intrusives. J'ouvre la porte de ma chambre, je me retrouve devant celle de Liam. J'ouvre sans frapper, il est dans la salle de bain. Mes pas sont lents et lourds, je ressens une lourdeur dans ma poitrine, mon cœur tambourine. J'ouvre la porte de la salle de bain, il est torse nu, il pose ses yeux sur moi et se reconcentre sur son bras. Il ne supporte pas qu'on le touche.

— Laisse-moi t'aider!
— Je n'ai pas besoin d'aide.

Je n'écoute pas sa réponse, je me saisis de son désinfectant. Il me retient la main, en me fixant intensément.

— Laisse-moi t'aider.

La veuve noireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant