La veuve noire

Chapitre 36

— Pourquoi tu n'es jamais venu me chercher!
— Je t'ai cherché partout.
— Tu mens! Comme Tyler et les autres.

Je me détache de lui et je lui tourne le dos.

— Est-ce que tes mains sur moi sont réelles?
— Oui.

Je sens ses lèvres se poser sur la base de mon cou, je frissonne. C'est si agréable de sentir de nouveau ses lèvres sur moi.

— Est-ce que tes lèvres sur mon cou sont réelles?
— Oui.

Je sens ses mains se poser sur mon ventre, il soulève le t-shirt, je lui retire ses mains, ce contact me révulse,je suis envahie de haut le coeur. Je ne veux pas qu'on touche un corps aussi abîmé par ma tortionnaire.

— Tu es tellement belle.
— Non, ce n'est pas réel!
— C'est réel ma veuve noire.

J'éclate en sanglot, mon cœur explose, mon corps est envahi par une chaleur qui ranime chaque parcelle qu'il a autrefois parcourue de ses mains.

— Je suis juste passable.
— Je t'interdis de dire ça.

Il me retourne, je lui fais face. Il rapproche mon visage du mien , son souffle chatouille mon visage. Ses lèvres effleurent les miennes. Mes mains se posent sur son buste. Il n'a aucune réaction de rejet. Mon corps tremble quand je sens ses mains parcourir mon dos, il trace de ses mains ce corps. Mes tremblements augmentent quand je sens ses mains me rapprocher de lui.
Ses yeux bleus couleur océan, me fixent avec une intensité qui me broie la poitrine.

— Tes mains sur moi sont réelles?
— Réel.

Je pose mes lèvres sur les siennes, nos bouches se redécouvrent, trop loin l'une de l'autre. Son baiser est rempli de désespoir, de tendresse et d'envie. Je me détache de lui.

— Kristen?
— Je ne sais plus ce qui est réel.
Je me recroqueville en position foetale.

J'ai l'impression de perdre la tête, je ne suis plus sûre de ce que je vois ou entends. Tout est confus, les images s'emmêlent et se présentent à moi dans le désordre, parfois incomplet.

— Tu vas aller mieux.

Je hoche négativement la tête. Je suis détruite, un corps vide, une veuve noire prise à son propre piège. Je rabats la couverture sur ma tête et j'essaye de remettre de l'ordre dans mes souvenirs. Je ne sens plus aucune main sur moi. Je ne sais plus s'il était vraiment là. Ses lèvres sur les miennes paraissent si réelles. Je ressens encore son souffle sur mes joues.

J'ai à peine fermé l'œil de la nuit, trop submergée par la sensation de ses mains sur moi. Elle ne m'a pas quitté de la nuit. J'ai vérifié plusieurs fois si son image apparaissait à nouveau à moi, mais il ne s'est rien passé. Il m'obsède, c'est déroutant, d'être aussi attirée par quelqu'un.

Je descends rejoindre la salle à manger, comme chaque jour la table est déjà bien garnie, je mange jusqu'à satiété. De jours en jours, je réhabitue mon estomac à manger plus. Je me lève et m'installe dans le séjour, j'ai le regard vide . Je fixe l'écran de la télé éteinte. Je jurais y voir des images, tant ça me parait réel.

— La télé est allumée?
— Pas réel.

Mes yeux se posent sur Liam, je souris de soulagement, il est revenu me voir. J'attends la voix de ma mère qui m'appelle. Je cherche son image dans la pièce.

— Ma mère m'appelle, je dois te laisser.
— Ce n'est pas réel.

Mon sourire s'efface.

Il s'adosse au mur et m'observe, je croise mes mains, je ne supporte plus qu'il pose ses yeux sur moi, je risque de le dégoûter, mon corps ne se remet que très lentement des blessures infligées.
Il ne me regarde pas avec pitié, mais avec inquiétude.

— Dans la boîte de nuit, tu étais réel ou pas ?
— Réel.
J'étouffe un sanglot.

Je repose mes yeux sur la télé éteinte, il n'y a plus aucune image. Je fixe le mur où il était adossé il y a quelques secondes, il n'y a plus personne. Je me décompose. Combien de fois va-t-il encore m'apparaître? Les choses ne s'améliorent pas, même nourries et propres, je me sens souillée et affamée. Je regagne ma chambre bouleversée.