Chapitre 34

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Mes yeux s'ouvrent, je mets de longues secondes à retrouver mes esprits, je n'arrive plus à distinguer le réel du faux. Toutes les images que je vois semblent si vraies. Je me redresse, la pièce est vide, pas l'ombre de Liam. Je souffle lourdement, je rejoins le hall du motel, je prends la clef et je me dirige vers le bus.

Je prends le premier bus qui s'arrête, je ne sais pas où me rendre. Mais je  dois progresser le plus loin possible de cette ville de malheur. Le bus s'arrête dans une zone industrielle. Des dizaines d'usines pour la plupart désaffectées se dressent devant moi. Je me dirige vers une au hasard. Je passe le grillage et m'avance vers une entrée sauvage. L'intérieur est glauque, des graffitis ornent les murs. Je n'avais jamais fréquenté ce genre d'endroit. Je progresse dans l'usine, des sans-abris, complètement ivres sont allongés dans des sacs de couchage.  Je monte à l'étage, il y a plusieurs blocs, la plupart sont occupés. Je trouve une place vide, je m'y introduis et je m'adosse au mur.
Mes yeux s'assoupissent, mon corps a du mal à récupérer de ces semaines de captivité. Je n'ai rien mangé depuis le café du matin. Je sens mon corps glisser et la tête tapée sur le sol.

— C'est ma piaule pétasse.

Je me relève et me redresse contre le mur. Un sans-abri, se tient devant moi avec un manche à balai prêt à en découdre. Ma respiration s'accélère, mes yeux passent de lui à son manche.

— Dégage sale rat!

Il avance pour me frapper, je sors mon arme et le prend en joue. Il recule, surpris, mes mains tremblent légèrement.

— Wo, wo, calmos ma jolie! On peut partager hein!

Je le dépasse, en tenant mon arme et je cours vers la sortie avant qu'il ne donne l'alerte. Je marche depuis de longues minutes, je ne sais pas dans quelle direction. La route est déserte, pas l'once d'une voiture. Mon ventre gargouille, ça en est douloureux. Je n'avais jamais ressenti cette sensation jusqu'à aujourd'hui. J'entends une voiture arriver à ma hauteur, la vitre s'arrête.

— Ça te dit un petit tour ma jolie.

Je rabats un peu plus ma capuche.

— Allez, je te dépose où tu veux.

Ses mots suffisent à déclencher une alerte dans ma tête. Je sors mon arme et le braque. Il pile brusquement. Ses yeux sont  sur mon arme.

— Je ne suis pas contre une petite balade « chéri ».

Je monte côté passager, il redémarre.

Il me dépose proche d'une gare routière. Je rentre à l'intérieur et m'achète un ticket pour Reno. Je m'achète un sandwich que je mange à peine. Je donne le reste à un sans-abri et les vingt-dollars que la femme m'avait donnés. Je rejoins les toilettes, me regarder est toujours éprouvant. Je ne m'attarde pas.

Le bus doit partir dans une heure. En attendant, je m'assois sur un banc et j'analyse mon environnement. Je me sens épiée cette fois-ci. Mais je n'arrive pas à voir d'où ça provient. J'entends une voiture s'arrêter brusquement devant moi, un homme en sort en trombe, ouvre la porte et me jette à l'arrière. Je n'ai pas eu le temps de réagir. Tout est allé trop vite.

— Laissez-moi descendre!
— Boucle-là la veuve!
— Qui vous envoie?

Il ne répond pas.  J'essaye de casser la vitre avec mes pieds, il s'en rend compte et dérape,  ma tête cogne fortement sur la porte. C'est le trou noir.

Je me réveille, dans une pièce plus confortable, mais mes mains sont entravées. Chez quel ennemi j'ai encore atterri cette fois? La porte s'ouvre sur un homme avec un plateau à la main.
Il s'approche de mon lit et pose le plateau sur mes genoux. Il détache une de mes mains.

— Mange!
— Va te faire voir.

Il ignore ma remarque et quitte la pièce . Je ne touche pas au plateau, même si l'odeur est alléchante. Je ne pactise pas avec l'ennemi. L'homme revient une heure plus tard et constate le plateau qui n'a pas été touché. Il m'entrave la main et récupère le plateau. Je finis par me rendormir.

— Pourquoi tu n'as pas touché à ton plateau.
— Va-t'en, Liam!
— Mange putain!

Les yeux se posent sur  sa silhouette sortie d'un coin sombre. Il est toujours à tomber.

— Tu vas encore me torturer longtemps?
— Pas tant que tu ne reprendras  pas des forces.
— Je perds vraiment la tête, voilà que j'entretiens une conversation avec une hallucination.

Je le sens sourire.

— Vu que je suis une hallucination, je peux faire ce que tu as envie que je fasse.

Je le vois s'approcher de mon lit, poser ses doigts sur mes lèvres, je jurerai les sentir, c'est si agréable. Ses doigts descendent jusqu'à la commissure de ma poitrine. Mon cœur bat la chamade. Je ferme les yeux pour ne pas voir sa réaction quand il verra l'état de mon corps meurtri.  Je ne sens plus ses doigts sur moi, mes yeux s'ouvrent, il n'y a personne.

La veuve noireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant