Chapitre 19

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On roule depuis une heure, on s'éloigne du centre-ville, en direction des côtes. Il est au téléphone, avec un de ses hommes, la conversation est houleuse, il semble énervé. Il finit par raccrocher, toujours submergé par cette colère.

— Liam, pourquoi l'Irlande?
Il souffle fort.

— Je me contiens Kris.
Je souris.

Il retourne à son mutisme, quand je lui pose une question, il répond à côté . Il aime jouer avec mes nerfs, comme moi je le fais avec les siens. Une sorte de jeu s'est installé entre nous, à celui qui fera craquer l'autre en premier. Nous sommes incapables de communiquer autrement et je crois que j'apprécie. Il ne triche pas, il est entier. Un homme qui ne parle pas pour ne rien dire.
La voiture après deux heures de route s'arrête devant une maison de campagne. Je suis excentrée de toute civilisation, c'est volontaire de sa part.

En descendant, le vent marin balaie mes cheveux de tous les côtés, cet air est une bénédiction. Ma mère adorait nous emmener en balade dans les coins reculés de l'Irlande. La météo y est désastreuse, mais la chaleur qui s'en dégage suffit à réchauffer nos corps. Je sens des gouttelettes tombées sur mon visage, elles sont salées. Nous sommes très proches du bord de mer. Je le suis vers l'intérieur de la maison, il allume les lumières, pendant que ces hommes sécurisent la maison. La maison est chaleureuse, typiquement irlandaise. Des décorations dignes d'un cottage irlandais. Le charme de l'ancien me frappe aux yeux, c'est très accueillant.
Il se déplace jusqu'à la cheminée, se saisit de bûches et les dépose dans la cheminée. Il prend un allume-feu, et s'attelle à y l'allumer . Il se dépatouille quelques minutes et finit par lâcher l'affaire. Je souris, il n'est pas doué dans les tâches manuelles. Je le rejoins et je  prends les choses en main, j'ai regardé toute mon enfance, mon père allumer le feu de la cheminée. Je prends quelques journaux, j'en dépose sur et entre les bûches, je prends le briquet, allume les journaux et dépose quelques allume-feu et j'attends que ça prenne.

— J'ignorais  que tu avais des talents cachés la veuve noire.
— Plus que tu ne le crois.
En le fixant intensément.

Cette tension est de nouveau présente, on ne se lâche pas du regard, ils en disent long. Je détourne la tête, je ne veux plus d'autres morts autour de moi. Je suis vidée de porter du noir dans mon coeur.

— Angela va bien?
Il ricane en guise de réponse.

Je me dirige vers une pièce, c'est une chambre, elle est de taille moyenne, elle possède un lit et une énorme armoire. Je m'allonge, le voyage a été long, mes yeux se ferment, je me laisse emporter par la fatigue.

Je me réveille tard dans la nuit, je sors de ma chambre. Le feu est encore allumé, les flammes crépitent, une douce chaleur s'en diffuse. J'entends du bruit dans une pièce attenante, j'ouvre la porte sur une cuisine. Liam prépare du café, il s'est changé, il porte un pull épais et un jeans. Décidément décontracté, il est à tomber.

— Tu continues de refaire mon portrait ou tu m'aides à faire fonctionner cette antiquité?
Je ricane.

Je m'approche de lui, me saisis du filtre à café, il me regarde faire à quelques centimètres de moi. J'imagine encore ses mains se poser sur ma taille, me faire des baisers dans le cou. Je secoue ma tête pour chasser ses idées qui ne resteront qu'un fantasme. Je verse le café dans le filtre et j'enclenche le mécanisme. On s'assoit autour de la table, en attendant que ce soit prêt.

— Tu as quel âge Liam?
De nouveau ce regard plein de colère.

— Vingt-huit ans et toi la veuve noire?

Je pose mes yeux sur lui. Ma respiration s'accélère, mon cœur tambourine. Je me relève pour fuir cette situation, mais il me retient par le bras et me force à m'asseoir.

— Je sais tout de toi Kristen.
— Vingt-quatre ans.

On entend le bruit de la machine à café se finir, il se relève, nous servir deux tasses, il pose la mienne sur la table. J'en bois une gorgée encore tremblante par ma révélation. Une façon de me  réapproprier mon identité. Seul Tyler  connaissait mon vrai  âge, je ne pouvais pas tricher avec lui.

— Tu vas devoir rester ici quelque temps.
— Pourquoi?
— Tu ne comprends pas? Tu ne vois pas ce qui se passe autour de toi?
— Je n'y suis pour rien! Je suis une victime dans tout ça.
— Non, tu es un dégât collatéral.
— Tyler va s'occuper de tout, il me l'a promis. D'ici peu, tout ça sera derrière moi.
— Tyler perdra la vie et tous ceux qui suivront.

Mes mains se mettent à trembler, je suis envahie par une bouffée de chaleur, l'angoisse m'emporte à nouveau, la douleur est vive, elle ne me quitte pas. Mes journées  sont un perpétuel recommencement. Je veux que tout ça cesse, je n'en peux plus. Tous ces morts autour de moi, me tuent petit à petit.

— Combien de temps?
— Je ne sais pas peut-être des mois.
— Tu sais qui est derrière tout ça?
— Oui et il ne s'arrêtera pas tant que.
— Tant que?

Il met un terme à la conversation froidement. Dès que j'approche de la vérité, elle s'éloigne une nouvelle fois de moi. Je suis maudite, enfermée dans une tour de verre. Ou seuls les plus téméraires s'autorisent  à y rentrer au détriment de leur vie. Il quitte la cuisine, j'éclate en sanglot , je ne peux rien faire d'autre, on entretient cette omerta autour de moi. Si mon père était parmi nous, il m'aurait dit lui. Il ne m'aurait rien caché. Il avait des défauts, mais il était honnête avec moi.
Une image de lui, quelques mois avant sa mort, inonde mon esprit.

La veuve noireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant