Chapitre 45

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Deux jours plus tard, je sors contre l'avis des médecins. Liam a fait jouer ses relations, pourtant la meilleure solution aurait été de m'interner. Mais Liam a désapprouvé . Je suis de nouveau libre, mais ce sens est relatif. Je ne fais que humer l'air frais de l'extérieur, en réalité, je suis loin de l'être, je suis prisonnière de ma prochaine victime, ça n'a aucun sens.

J'attends devant la porte de notre chambre dans un nouvel hôtel, le même rituel que les autres fois, il fait fouiller les pièces avant de m'autoriser à y entrer. Je reste hagarde sur le canapé, les yeux dans le vide, tout comme l'est ma vie. Je pensais être sorti du tout ça, mais ce n'était qu'un leurre.

Je dois retourner au travail. Si tu as besoin de quoi que ce soit, mes hommes seront là pour.
Je veux m'en aller.
Pas encore. C'est l'histoire de quelques jours.

Il quitte la chambre, la porte se referme, encore. Combien de fois vais-je devoir assister à cette scène?
J'ai cette impression d'être sur mon lit de mort, mais qu'on s'acharne à me garder en vie, avec des soins palliatifs. C'est grotesque, je veux en finir, mon coeur est aussi noir que l'identité que je porte. Toute part de pureté s'en est allée.
Je m'allonge sur le canapé, un des hommes est affecté à ma surveillance. Liam ne veut pas que ça se reproduise.

Mes yeux s'ouvrent sur un brouhaha assourdissant, des coups de feux sont tirés, les hommes de mains Liam tombent un à un. Je crie d'horreur, mais ce que je vois par la suite, me fige. Aucun son ne sort de ma gorge, pourtant je continue de crier par ce massacre.

— On y va chérie!
— Papa? Qu'est-ce que tu fais là?

Mon père me saisit par le bras, mais je suis vidée. Je ne comprends rien, je perds la tête. J'ai l'impression de nouveau de perdre le sens de la réalité. Il me fait sortir de la chambre, mes pieds se trainent, en état de choc . Voilà des mois que j'attends un signe de lui. Sa disparition était une déchirure, des semaines, à pleurer son abandon.

On s'engouffre dans une voiture blindée, un de ses hommes démarre en trombe en direction d'une ville voisine. Je reste calme, je ne dis rien, j'observe mon père, qui ne devrait pas être devant moi.

— Où étais-tu?
— Je tentais de me faire oublier.
— Non, c'est faux! Je dois encore halluciner.
— Chérie! Tout ça est réel. Tu es en danger!

Mon cœur tambourine dans ma poitrine, mes mains tremblent, je suis prise de violents spasmes. Mon père me prend dans ses bras et tente de calmer la crise. Mais seul Liam en est capable. Son odeur rassurante, ses caresses, ses mots doux.

— Je veux rester avec Liam.
— Ce n'est pas possible ma chérie.
— Il viendra me chercher.

Mon père souffle lourdement.

— Pourquoi réapparaître maintenant?

— On va en discuter en lieu sûr.

Je me reconcentre sur mon père qui m'avait laissé aux mains de Liam. Il est plus que réel, il a toujours ce regard fougueux que ma mère adorait. La voiture roule dans une zone isolée, je me souviens, c'est le quartier où mon oncle m'avait caché quelques jours. Je suis assaillie de flashs, de mes retrouvailles avec Liam dans cet hôtel à Reno.
La voiture s'arrête devant l'immeuble collé à celui où j'étais retranchée. On descend avec mon père qui passe devant moi. L'immeuble est moins vétuste, plus moderne. On s'engouffre dans un ascenseur jusqu' au 7e étage. Le couloir est en aussi bon état que le reste. La porte s'ouvre sur un grand appartement, décoré avec goût.
Mon père m'invite à m'asseoir autour de la table à manger, je suis du regard un des hommes qui se dirige vers la cuisine.

— Papa qu'est-ce que ça signifie tout ça?
— Je me suis foutu dans un merdier en renonçant à un de mes engagements.
— D'accord, mais moi dans tout ça?
— Tu es celle qui rachète mes fautes.
— Je ne veux plus, papa.

J'éclate en sanglots, je n'y suis pour rien, je n'ai pas à racheter quoi que ce soit. Je veux vivre. Mon souffle se coupe, comme pour me laisser le temps de me remettre de ces mots que j'ai tant eus peur de prononcer. Je n'en peux plus de fuir la mort. Vivre est un mot qui donne du sens à tous mes sacrifices.

— Ils vont encore s'en prendre à toi chérie.
— Quoi? Mais dans l'église, ils n'ont rien fait.
— Ce n'était qu'une trêve de courte durée. Ils savent que je ne suis pas mort.

Mes épaules retombent en arrière, comme un nouveau fardeau qui s'ajoute aux autres. Il va tuer son propre fils? Je ne comprends plus rien, il souhaite à tout prix venger la mort de sa femme. Je n'arrive plus à lier les faits les uns aux autres. Cette situation est rocambolesque, une de plus.

— Pourquoi m'as-tu abandonné?

Mon père pose les yeux sur moi.

— Je ne t'ai pas abandonné, j'ai essayé de te protéger.
— Me protéger? Tu sais ce que j'ai vécu là-bas?
En criant.

Je pleure de rage.

La veuve noireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant