Chapitre 32

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Trois jours, que les journées se ressemblent. Le soir, après mes tâches, je regagne ma cellule sombre. On me donne la même quantité d'eau et de pain. Un des hommes m'emmène à cette douche froide et lance l'eau glacée sur mon corps. Puis, il me jette nue dans la cellule.  Le matin, on m'autorise à me rhabiller, je resserre au maximum la ceinture du pantalon, il ne tient sur rien, mes os sont apparents. Le reste de la journée, je suis à genoux ou en train de faire des tâches ingrates.

Mais aujourd'hui, une lueur d'espoir pénètre dans ma cellule sombre. C'est le jour de la fête d'anniversaire de mon tortionnaire. C'est ce soir ou jamais. Peu importe le dénouement, ce cauchemar sera un lointain souvenir.

On vient me chercher, j'enfile mon jogging trop grand et mon t-shirt qui sent le moisi. On me traîne jusqu'à sa chambre. J'ouvre la porte, son parfum envahit la pièce, elle est habillée en reine de beauté. Une robe rouge qui met en valeur son corps de diablesse.

— Exceptionnellement, tu pourras porter ça.

Elle me jette une robe noire.

— Je pense qu'elle t'ira comme un gant.
Elle éclate de rire.

Elle regagne la salle de bain pour les dernières retouches, j'enfile la robe très ample. Je flotte dedans.  Elle ressort, enfile ses talons  et me jette des ballerines trop grandes. Je les enfile et la suis de près. Mais avant de sortir de la chambre, elle m'enfile une laisse. J'ai envie de craquer , de déverser ma  rage, la tout de suite. Mais je me ravise, je me contiens pour le bon moment.

Elle se dirige vers sa voiture, son chauffeur nous ouvre la porte. La voiture démarre loin de cette villa, j'immortalise chaque brique de cette maison. Je me focalise sur la route, elle est au téléphone avec ses amis. La voiture s'arrête devant un endroit que je reconnais, mon cœur bat la chamade, mon souffle est saccadé. Elle me fait descendre et me traîne jusqu'à l'intérieur du bar.

Mes yeux se posent sur Vivi, qui me regarde, elle ne doit pas se souvenir de moi. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même. Son regard est insistant, elle semble perturbée. Les clients me regardent avec surprise. Elle m'expose comme une coupe qu'elle a fièrement gagnée. On s'assoit dans un carré  Vip.

Elle boit du champagne avec ses copines,  et explose de rire  dès qu'elle pose les yeux sur moi. Je reste dans un mutisme profond.  Mes yeux se posent sur lui. Il est là, ou peut-être encore mon imagination qui me joue des tours. Je suis peut-être à cet instant en train de rêver sur ce sol froid de cette cellule.

Ses yeux ne me quittent pas, aussi troublés que ceux de Vivi. Il se détourne de moi, encore une hallucination. Je dois agir seule, c'est le moment. Je me  saisis de mon couteau subtilisé des jours plutôt. Je lève mon bras, prêt à commettre l'irréparable, quand j'entends des coups de feux . Mon couteau tombe au sol, c'est le chaos dans la boîte.Mon bourreau se relève et tire sur ma laisse , mais je ne bouge pas. Elle se retourne vers moi, perturbée. Je reste un bloc soudé à ce sol. Elle tire, mais je ne bouge pas.

— Salope!

Elle avance pour me donner  un coup de poing. Mais je me saisis de la bouteille d'alcool et je la vise. Elle est sonnée et tombe au sol. Je tire sur la laisse et me noie dans la foule. Je rejoins la sortie, les coups de feux continuent, mais je ne m'inquiète pas, c'est maintenant ou jamais. Je hume l'air frais, des semaines que je ne l'avais pas fait.

— Kristen. C'est bien toi.
Je me retourne sur Vivi.

— Vous vous trompez de personne.

Je me lance dans une course effrénée, pour  fuir loin de ce cauchemar. Je trouve le courage et l'énergie d'aller toujours plus vite, plus loin. Je suis assez loin pour ralentir le rythme. Mon cœur bat à tout rompre, je l'ai trop poussé dans ses dernières forces.
Je continue de marcher, dans cette nuit fraîche où je ne porte que cette robe ample et des ballerines. Je retire la laisse et la jette au sol.  Je me retrouve sous un pont, à partager ma nuit avec des sans-abris. Je ne m'endors pas, je reste adossée contre ce mur, en attendant que le jour se lève.

Je redécouvre un lever du jour, mes yeux éblouis par ce magnifique spectacle. Je me relève et je marche pour encore m'éloigner de mes ravisseurs. Mais je n'ai rien, ni argent, ni téléphone. Je demande à plusieurs passants une pièce ou un appel téléphonique. Les passants s'écartent ou me regardent avec mépris. Je passe pour une junkie en manque de drogue. J'erre dans la ville de la démesure comme un parasite.

Je passe devant une devanture, une association. J'entre gêné par mon état. La femme semble bouleversée  par mon état. Elle me fait entrer et me fait asseoir à son bureau.

— Vous avez faim?
Je hoche la tête.

Je ne ressens aucune sensation de  faim, je le devrais des semaines que je suis affamée. Elle revient avec une boisson chaude et une pâtisserie. Je bois de la boisson chaude, elle me réchauffe les mains. Elle s'éclipse et promet de revenir. J'ai peur qu'elle prévienne la police et que mon cauchemar recommence.

La veuve noireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant