Chapitre 38

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— Non, tu n'es pas réel, tu es comme toutes ses images que je perçois, dénuées de sens.
— Oh ma chérie qu'est-ce qu'ils t'ont fait?

Il pose ses mains sur la table, accablé et confus. Je cherche des yeux l'hologramme de Liam pour m'aider à déterminer si c'est la réalité ou non, mais il n'est pas là.

— Pourquoi as-tu fait de moi cette veuve noire?
— J'aurais tellement aimé que les choses se passent autrement.
— Qu'est-ce que tu leur a fait?
— J'ai fait tuer sa femme et le mari de sa fille.

Mes poumons se vident de leur air, je suis incapable de les faire fonctionner. Ils sont comme bloqués. Je manque d'air, je suffoque. Je cherche l'air, je me relève, il se rapproche de moi. Je m'éloigne, je pose mes mains sur le plan de travail, je m'evanouis, avec comme dernière image ma tête qui tape sur le plan de travail.

Je suis réveillé par une discussion lointaine, mes yeux s'ouvrent et s'acclimatent à la lumière. Un homme avec un stéthoscope s'adresse à une autre personne terrer dans l'ombre.

— Il n'y a pas de séquelles, elle n'a pas besoin de suture. Le gel suffit amplement.
— Bien, merci d'être venu.
— Nous sommes amis, c'est normal.

Le médecin sort de ma chambre et la personne terrer dans l'ombre se rapproche jusqu'à ce que sa silhouette soit apparente. C'est mon père, je n'ai pas rêvé, tout est donc vrai. Ce n'est pas mon imagination qui me joue des tours. Il est vivant.

— Ça va ?
— Tais-toi!

Mes larmes coulent, ma voix tremble de colère.

— Tu es un monstre comme eux.
— J'ai toujours baigné dans ce milieu, ça s'est imposé à moi. J'ai voulu t'épargner ça.
— En me mariant aux alliés.
— C'était pour te protéger!
— Deux pauvres jeunes hommes sont morts à cause de toi.
— Ils connaissaient les risques.

Je me retourne et l'ignore. Je ne veux pas en entendre davantage. Il a fait exécuter une femme et un homme froidement et aujourd'hui, je suis la cible d'une vendetta. Ma tortionnaire a perdu un mari, qui sait? Elle a peut-être des enfants privés d'un père. C'est si affreux, je ressens de l'empathie pour mon bourreau.

— Row, row, row your boat.
— Gently down the stream.

Je pose les yeux sur mon père, j'éclate en sanglots.

— Maman avait une plus belle voix.
Il sourit avec nostalgie.

— Tu lui ressembles.

Il sort de la chambre, me laissant à mon désarroi. J'essaye de ranger par chronologie mes souvenirs. Les souvenirs de vacances chaque été en Irlande, avant son décès, étaient une bouffée d'air frais. Elle chantait cette comptine pendant qu'elle préparait des scones pour le petit déjeuner.
Un autre souvenir me vient à l'esprit, plus récent cette fois, de Liam et moi dans la chambre d'hôtel, c'est bien arrivé, je ne l'ai pas imaginé.

Je descends, mon père est assis devant la télévision, cette fois-ci l'écran est allumé. J'essaye de ne pas écouter ces voix, qui me brouillent l'esprit. Je me concentre pour les chasser. Je m'assois à ses côtés, il tourne la tête vers moi. Je pose mes yeux sur l'écran.

— Ces voix?
— Elles ne sont pas réelles ma chérie.
— D'accord.

On se concentre sur le show, je l'entends parfois rire comme au bon vieux temps, je le garde rire et plisser les yeux. C'est si familier.

— Est-ce que je resterais cette veuve noire papa?
— On va y mettre un terme, je t'en fais la promesse.
— C'est ton frère qui m'a livré à eux.

Je le vois souffler lourdement, il le sait déjà, je ne lui apprends rien de nouveau. Je le vois fixer le mur. Le show se finit, je rejoins le jardin, il fait bon, je regarde les étoiles, et je m'imagine vivre une autre vie. Je sens deux mains m'entourer les bras, ça paraît si réel. Je sens son odeur entêtante me happer.

— Tes bras, c'est réel ou pas réel ?
— C'est réel.
— Pourquoi personne ne peut te toucher?

Je sens ses mains se resserrer sur mes bras, ses lèvres se poser sur mon cou, et inonder mon cou de baiser, je frissonne, pourtant il ne fait pas froid.

— J'ai perdu une personne qui m'est chère, elle est morte dans mes bras.

La veuve noireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant