La veuve noire

Chapitre 44

Six mois plus tard.

Je suis de retour à Las-Vegas pour accompagner Liam. Il n'était pas favorable à ma présence à ses côtés. J'ai l'impression qu'il ne me dit pas tout, il me cache des choses. Quand j'essaye d'en savoir plus sur son passé, il évite le sujet habilement. Quelques fois, j'ai l'impression d'être encore dans cet entre-deux , où se mêlent réalité et hallucination. Mais il me rassure, cette fois, je ne rêve pas. Je vis au côté de l'homme que j'aime et il me rend heureuse.

Arrivée dans notre chambre d'hôtel, c'est le même rituel, il fait fouiller la chambre de fond en comble, puis il autorise à y entrer. Son comportement est tout sauf normal.

— Pourquoi fais-tu ça Liam?
— Une habitude.
— Une mauvaise habitude.
— Chérie, va te reposer, tu es fatiguée.

Il fuit encore et à ce moment je sens que je n'ai toujours pas quitté cette prison dorée. Je rejoins ma chambre et je m'allonge, frustrée comme à chaque fois que nous sommes en désaccord. Depuis quelques semaines, nos disputes se portent sur un projet bébé. Il n'en veut pas, pourtant je le vois avec les enfants, il les adore. Ça m'arrache le cœur, de savoir qu'il n'en veut pas avec moi, avec une veuve noire.

J'entends la porte s'ouvrir, je ferme les yeux, je fais semblant de dormir. Je sens le lit s'affaisser. Mais je ne me retourne pas, pas cette fois, des mois à accepter tous ses secrets, le cœur est lourd.

— Je t'aime Kristen.
— Je doute de tout.
— C'est réel.

Je lui fais face, il semble abattu par ma réaction. Mais je ne peux pas faire semblant. Je l'ai fait pendant des années, être la fille modèle, qui accepte tout sans rechigner. J'ai besoin de plus, qu'on soit honnête avec moi, qu'on ne m'épargne pas.

— Pourtant je jurais être encore dans cette fausse réalité.

Il pose sa main sur mon ventre, et caresse mon ventre par des gestes circulaires, mon corps s'embrase. Il remonte jusqu'à la jointure de ma poitrine, mon souffle se fait de plus en plus rare. Je suis en apnée, il remonte jusqu'à la base de mon cou, mon cœur tambourine. Non, c'est bien réel. Tout ne peut pas être aussi bien représenté dans une imagination.

— Il faut que tu me fasses confiance.
— Je l'ai trop fait Liam.

Il se redresse et s'assoit sur le lit, sa tête contre ses mains. Il est bien loin de cette chambre d'hôtel.

— Qui es-tu Liam?
— Ta prochaine victime.

J'émets un râle de douleur, alors ce n'est pas fini, tout recommence à nouveau. Une douleur comprime ma poitrine, des semaines que je n'avais pas ressenti ce mal qui me rongeait petit à petit. Je suis de nouveau victime de cette malédiction. Je n'en sortirai jamais, à part en quittant cette vie.

Je me redresse et cours vers la salle de bain, je perds la tête, je n'en peux plus. J'entends Liam tambouriner sur la porte. Mais je l'ignore, je serai la  prochaine victime. Je me sacrifie, pour lui, pour les mois de bonheur qu'il m'a apporté, dont il m'a fait cadeau au détriment de la sienne.

— Kristen ouvre la porte!

Je l'entends défoncer la porte, je me saisis d'un rasoir et je me sectionne les poignets, je m'adosse au mur, meurtrie, lasse de ces incessants recommencements. Je pensais y avoir mis un terme dans cette église. Tout n'était encore qu'une parade de ma destinée. Je mets un terme à cette spirale infernale. Mes yeux se ferment, mon corps tombe au sol, le son de ma tête qui cogne en chutant, me rassure. J'y suis presque. C'est terminé, mon coeur ralentit.

Mes yeux s'ouvrent dans une pièce blanche, j'ai les mains nouées, je comprends assez vite où je suis. Mes larmes coulent de frustration, je suis condamnée à rester et à regarder la mort frapper les gens que j'aime autour de moi.

Liam entre dans la pièce, abattu, il a mauvaise mine, son teint hâlé est grisonnant. Lui aussi est victime de ma malédiction. J'aurais aimé l'épargner, disparaître.

— Pourquoi as-tu fait ça ?
— C'est la seule solution.
Avec une voix enrouée, presque inaudible.

— Laisse-moi gérer cet aspect!
— Je ne pourrais pas le supporter Liam.

Il se saisit de ma tête et la tourne vers lui, ses yeux bleus sont larmoyants. Ma perte lui aurait été tout aussi fatale. Je ne sais plus comment régler ce problème qui me suit depuis mon adolescence. S' il meurt, je meurs avec lui. Si je meurs, c'est lui qui mourra.

— Pourquoi t'es-tu attachée à moi Liam? A une veuve noire?
Avec un rire ironique.

— Tu t'es imposée à moi.
— Il fallait me laisser m'en aller ce soir-là dans ton club.
— C'était déjà trop tard.
— Qui es-tu Liam?

Il se tait, il détourne les yeux et se concentre sur  l'écran qui affiche mes constantes. Un médecin entre dans la pièce et me pose plusieurs questions concernant ma tentative avortée, tout comme l'est ma vie. En y réfléchissant bien, j'étais prédestinée à vivre ce cauchemar éveillé. Je suis une sorte de Karma, que mon père et ses ancêtres ont reporté sur moi. C'est ça un karma.
Mes yeux se ferment, ne répondant plus aux interrogations incessantes du médecin.