Chapitre 35

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Deux jours que les plateaux entrent et repartent plein. Les hommes qui me retiennent sont exaspérés. Je les vois souffler fort.

Le matin, un homme m'enlève mes entraves.

— Le patron, vous autorise à vous laver.
— Quel grand seigneur!

Je sors de ce lit, autrement que pour rejoindre les toilettes. J'entre dans la salle de bain, il y a tout le nécessaire pour se laver. Je retire les vêtements crasseux que je porte depuis quelques jours. J'enclenche l'eau du pommeau de douche. L'eau est chaude, une agréable sensation se répand sur mon corps. Quand on vous prive d'un tel confort, vous l'appréciez à sa juste valeur. Je me lave et enlève la crasse qui s'accumule depuis des semaines. Je suis à la limite de pleurer quand je sens l'odeur de savon sur moi. Mes cheveux poisseux reprennent peu à peu une texture normale. Je me sèche les cheveux et le corps. Mes yeux se posent sur cette jeune femme qui autrefois avait une apparence humaine.
Je ne m'attarde pas, je sors de la salle de bain, enroulée dans la serviette. Je m'arrête net quand je suis encore en face de cette hallucination de Liam.

— Va-t'en! Pourquoi tu me tortures!

Je le vois me reluquer, je resserre la serviette autour de moi, trop honteuse par un corps aussi abîmé. Je le vois se rapprocher.

— Disparaît. Je t'en supplie !

Je sens ses mains m'attirer à lui. L'hallucination est plus vraie que nature. Ses mains parcourent ma taille, et remontent jusqu'à mon dos. J'émets un râle de soulagement.

— Liam.
— Qu'est-ce qu'ils t'ont fait?

J'éclate en sanglots, la douleur me foudroie en plein cœur. Les images de ma captivité me reviennent en pleine face. Il m'entoure de ses bras. Je plonge ma tête sur son buste, puis je me détache de lui.

— Va-t'en!

Je regagne le lit et je ferme les yeux pour occulter cette hallucination qui me ravive des souvenirs trop douloureux.

Quand je me réveille, je suis requinquée, mon corps a enfin rattrapé cette fatigue accumulée depuis bien longtemps. Des vêtements sont posés sur le lit, je m'en saisis et m'habille. Ses vêtements qui autrefois mettaient mon corps en valeur, aujourd'hui ne me mettent pas à mon avantage. Mais qu'importe, je ne me préoccupe plus de ce genre de détail. La porte s'ouvre sur un des hommes de mon tortionnaire.

— Le patron vous autorise à prendre le petit déjeuner à la salle.
— Quel acte charitable!

Il laisse la porte ouverte. Je la franchis quelques secondes après m'être assurée qu'il n'y ait personne dans le couloir. Je ne connais pas cette maison. Liam est bien une hallucination, je l'ai encore imaginée la veille, mais tout semblait si réel. Aussi réelle que quand ma mère m'apparaît avec ce sourire qui me donne la force de tenir.

Je descends les escaliers, je me retrouve devant une salle de séjour. Rien de luxueux comme dans les précédentes demeures. Une maison familiale, que n'importe quel foyer peut posséder. La maison semble vide, je n'entends rien qui puisse aller dans le sens contraire. Je repère la cuisine qui est attenante au salon. Un petit-déjeuner est posé sur la table, je m'attable et je pose les yeux sur le sol, là où était ma place durant des semaines, j'étouffe un sanglot. Mes yeux se posent sur tant de bonnes choses. L'odeur du café embaume la pièce. Je me serre une tasse et la porte à ma bouche . Je ferme les yeux pour en apprécier le goût, c'est divin, presque orgasmique. Je pose mes yeux sur une assiette bien garnie. Je le saisis d'une fourchette, j'en avais presque oublié comment tenir un couvert. Je porte une bouchée jusqu'à ma bouche, et c'est l'extase , une explosion de saveur. Je mange quelques bouchées, mais je suis rassasiée bien trop vite. Je m'essuie la bouche, comme pour me redonner une place dans cette réalité.

Je me relève et m'éloigne de cette table qui ne me donne plus envie de m'y attabler, comme écoeurée de moi-même d'avoir cédé trop vite. Je regagne ma chambre et je fixe le plafond. J'entends le bruit d'une voiture s'arrêter devant la maison. Je me relève et regarde par la fenêtre, je ne distingue qu'un jardin, bien entretenu.
Je me jette sur le lit, en attendant que la porte s'ouvre à nouveau sur mes tortionnaires.

Fin de journée, on me conduit devant cette table encore pleine de bonnes choses, je n'ai pas eu de vrais repas depuis des semaines. Je suis à la fois excitée et dégoûtée par toute cette nourriture.
Je renouvelle l'expérience culinaire, c'est exquis, j'ai tant manqué ces derniers temps. Un repas et je me sens au paradis. Cette fois, je mange un peu plus qu'au petit déjeuner. Je me réapproprie le goût des saveurs. Je quitte la table et ne touche pas au dessert, incapable d'avaler une bouchée de plus.

Je ne comprends pas le but de cet énième enfermement, je ne devrais pas être traitée aussi humainement. Je m'attends encore à voir entrer dans ma chambre ma tortionnaire au visage angélique. Mais ça n'arrive pas et j'en suis comme bouleversée. Avec elle, je savais à quoi m'attendre. Mais ici, je fais face à l'inconnu.

Je rentre dans ma chambre et je fixe ce plafond, il fait nuit noire, et je suis emmitouflée dans la couverture, quand je sens une présence dans ma chambre. Je retire la couverture de ma tête.

— Disparaît!
— Non.

Son ombre s'approche de mon lit, me redresse. Je pose mes yeux sur ses mains si réelles. Son contact m'électrise.

— Qui es-tu?
— Ta prochaine victime.

J'émets un râle de douleur.

La veuve noireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant