Chapitre 1 ♦ Qui est-il?

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Maud.

Lundi. Plus qu'une semaine avant la rentrée. Cette pensée me déprimait. Je cachai ma tête sous l'oreiller, dans l'espoir que ce geste puisse rallonger mes vacances d'encore une semaine. Mais non, rien n'y faisait, nous étions toujours lundi. Pff...

J'étais en train de me rendormir quand un hennissement me tira hors du lit. Habillée de mon short de pyjama et d'un large t-shirt bien trop grand pour moi, je descendis lentement les escaliers. Je traversai le salon pour aller chercher mes bottes, que j'enfilai négligemment avant de sortir. Je laissai quelques instant l'air frais du matin me réveiller doucement puis me mis en route vers la grange, située à quelques mètres vers la gauche de la maison que je venais de quitter. Arrivée devant, je fis coulisser la grande porte rouge.

« Bonjour mes loulous! Comment allez-vous ce matin? demandai-je à la cantonade. »

Une série de hennissements me répondit. J'adorai commencer les journées ainsi, avec ces chevaux toujours si heureux de me voir de bon matin, et se fichant de savoir si j'avais dompté ma tignasse rousse ou pas avant de venir. Je traversai la grange en n'oubliant pas de saluer chaque cheval d'une caresse, m'attardant un peu plus devant Knight et lui glissant discrètement un petit bout de pain dur. Il me remercia d'un petit coup de tête, ce qui me fit rire, puis je continuai ma route vers la réserve à foin. Ballot après ballot, j'en entassai cinq dans la grosse brouette avant de la pousser péniblement dans l'allée. Les chevaux, impatients, se mirent à donner des coups de pieds dans leur porte et à s'agiter, ce qui eu pour seul effet de me faire soupirer. Une fois le calme revenu, chaque bête concentrée uniquement sur son petit déjeuner, je rentrai chez moi afin de m'attaquer au mien.

« J'ai nourri les chevaux! informai-je ma mère en franchissant le seuil.

— Merci ma chérie, je t'ai préparé ton petit déjeuner, me répondit-elle depuis la salle de bain, à l'étage. »

J'enlevai mes bottes que je jetai dans un coin de la pièce avant d'aller en cuisine engloutir mon bol de chocolat chaud et mes tartines. Ma mère devait prendre sa douche, car une mélodie rock s'échappait de la salle de bain. Me laissant moi aussi entraîner par le rythme, je fis ma vaisselle puis montai dans ma chambre pour me changer. Quand enfin je découvris mon reflet dans le miroir, celui-ci m'arracha une grimace. J'envoyai rapidement voler mon pyjama pour le remplacer par un jean et une chemise, puis attrapai une brosse posée sur ma commode. Après de longues minutes de combat, mes cheveux roux étaient tressés et ma tenue à peu près correcte. J'étais fin prête pour commencer la journée.



Peu avant 18h, je me dirigeai vers les paddocks. Arrivée devant la clôture, un simple sifflement fit redresser la tête de Knight, broutant à l'autre bout du pré. Me reconnaissant, mon cheval hennit doucement avant de venir à ma rencontre au petit trot.

« Coucou mon grand! Alors, prêt à aller travailler? lui demandai-je en lui caressant l'encolure. »

Je l'emmenai ensuite près de la grange pour l'attacher et lui faire un brin de toilette. Une fois qu'il fut sellé et bridé, j'attrapai ma bombe d'une main et les rênes de l'autre puis me dirigeai vers la carrière, mon cheval sur les talons. Une fois arrivée, j'arrêtai Knight au centre, glissai mon pied dans l'étrier et me mis en selle. À ce moment, j'aperçus quelqu'un adossé à l'arbre de l'autre côté de la barrière. En m'approchant, je reconnus l'inconnu, le même qu'hier, qui me fixait. D'habitude exaspérée par ce genre de comportement, la remarque que je voulus lui faire resta pourtant bloquée dans ma gorge. Ce serait stupide de dire que sa présence m'intimidait, cependant je crois bien que c'était la vérité. Arrivée à sa hauteur, il me salua d'un signe de tête avant de rapidement reporter son attention sur ma monture, laquelle semblait le passionner étrangement.

Rassemblant mes esprits, je lançai Knight dans un petit trot d'échauffement, bien décidée à ne pas me laisser distraire par l'étrange énergumène qui nous observait. Je choisis d'entraîner mon bai à différentes figures de dressage afin d'améliorer sa souplesse et sa réactivité aux ordres. Bien que les différents exercices que je décidai de travailler requéraient beaucoup de concentration, je ne pus m'empêcher de jeter des coups d'œil furtifs au jeune garçon assis sous l'arbre. Il devait avoir un peu plus que la quinzaine, peut-être mon âge, et semblait me dépasser de quelques centimètres, quoiqu'il fut difficile de le juger, vu sa position. Le dos appuyé contre l'arbre, il avait relevé une jambe près de son torse et avait posé un bras dessus. Il avait l'air décontracté, un peu nonchalant, mais surtout absorbé dans ses pensées. Ses cheveux bruns bouclés lui encadraient le visage, et il passait d'ailleurs souvent la main au travers pour essayer vainement de chasser les mèches qui lui tombaient devant les yeux, yeux que je pouvais deviner marrons. Malgré tout le temps que l'on passa l'un et l'autre à se dévisager furtivement, pas une seule fois nos regards ne se croisèrent, et j'étais donc dans l'incapacité de vérifier mon hypothèse.

Knight devait cependant ressentir mon manque d'implication dans notre travail car il se mit à partir tout à coup dans un petit galop joyeux, envoyant quelques ruades au passage. L'inconnu redressa brusquement la tête, soudain inquiet, mais il décrocha un petit sourire quand je réprimai gentiment mon cheval en rigolant. Je retrouvai ensuite tout mon sérieux et me remis à travailler, chassant définitivement l'observateur de mes pensées. Quelques minutes plus tard, je vis la petite silhouette de ma mère s'approcher. Elle s'installa près du garçon, adossée à la barrière, et me regarda un peu avant de me lancer:

« Redresse-toi Maud, garde bien ta jambe intérieure à l'appui. Voilà, comme ça. Sois plus ferme dans tes mains, ne le laisse pas regarder ailleurs. »

J'aimais bien quand ma mère me corrigeait. Toutefois, en présence de l'inconnu, j'étais un peu gênée mais ne laissai rien transparaître, m'efforçant plutôt d'appliquer ses conseils. Plus tard, quand elle jugea que je me débrouillais bien, elle se tourna vers mon fan (je pouvais bien me permettre de l'appeler comme ça, il était bien venu pour me regarder non?) et je la vis entamer la discussion avec lui. J'étais trop loin pour saisir ce qu'ils se disaient, et préférai donc me concentrer sur mon cheval, le laissant souffler et marcher tranquillement, allongeant l'encolure, après notre séance de travail.

Quand je mis pied à terre, l'inconnu tout comme ma mère avaient disparu et, en brossant longuement Knight, des tas de questions tourbillonnaient inconsciemment dans mon esprit: De quoi ma mère avait-elle bien pu parler avec ce garçon? Pourquoi venait-il m'observer pour la deuxième journée consécutive? Pourquoi voulait-il se faire si discret? et surtout, Qui était-il?

ChevauchéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant