Chapitre 19 ♦ Corps et âmes

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♫ Rub A Dub - FAUVE


J'étais assise dans le bus, regardant le paysage défiler par la fenêtre ouverte. Les arbres et les étendues d'herbes se profilaient à perte de vue, s'enchaînant les uns après les autres. J'aurai pu être ennuyée de ce même paysage monotone, pourtant il me donnait un certain apaisement. Toutefois, il fallait reconnaître qu'il était difficile d'imaginer que nous nous rendions à un concert.

Nous, c'était moi, évidemment, mais également le jeune homme assis à mes côtés. Oui, ce garçon à la tignasse brune emmêlée qui regardait les gens passer sans vraiment les voir.

Si j'étais dans ce bus, en direction de Dalès, ce samedi 14 octobre, pour aller voir un concert d'un groupe que, précisons-le au passage, je ne connaissais pas, c'était tout simplement parce que ce même garçon, As, m'y avait invitée. Il se trouvait qu'il avait prévu d'aller depuis longtemps avec son père à ce concert mais que, entre temps, il s'était embrouillé avec ce dernier qui ne voulait donc plus l'accompagner. Je ne connaissais pas ce groupe, mais As pensait que je l'aimerai beaucoup. Un seul de ses sourires avait fini par me faire accepter sa proposition.

On ne pouvait pas dire que c'était un rencard à proprement parler, tout d'abord parce que nous ne nous étions jamais parlé, bien qu'une certaine complicité se soit tissée entre nous depuis maintenant presque trois mois. Ce garçon s'était simplement retrouvé avec une place de trop pour aller à ce concert, et dans la mesure où, connaissant son caractère solitaire, je devais sans doute être une des personnes les plus proches qu'il ait, il s'était dit que cela pourrait me faire plaisir. Et puis, il semblait aussi que nous aimons tous deux passer du temps ensemble.

Malgré ça, j'étais tout de même un peu angoissée: c'était la première fois que nous nous voyons en dehors de l'écurie, et le fait qu'il n'y ait pas Knight entre nous nous forçait presque à nous confronter face à face.


Le bus s'arrêta au terminus, et nous dûmes donc descendre. As semblait connaître le chemin, car il me guida sur quelques mètres à travers le dédale des rues de la préfecture, jusqu'à ce qu'à l'angle d'un bâtiment, nous rencontrâmes une vaste file d'attente. Mon ami me fit signe que c'était notre file, et je ne pus m'empêcher d'être impressionnée par le nombre de gens qui attendaient patiemment pour voir ce groupe que je croyais pourtant impopulaire. Certains SDF passaient même dans la queue afin de mendier une place pour le concert, ce qui m'étonna aussi grandement. Ce groupe semblait vraiment très apprécié ici.

Quand, après une longue attente, les portes de la salle s'ouvrirent, nous avançâmes puis montrâmes nos billets aux vigiles qui nous laissèrent entrer. Étonnement, la salle était plutôt petite et je me demandais bien comment toute la foule amassée quelques instants plus tôt devant ces portes pourrait réussir à tenir dans un si petit lieu.

As me prit la main pour me guider à travers cette masse compacte de gens, et je lui en étais plutôt reconnaissante car je n'avais absolument aucune envie de le perdre de vue. Vu le monde entassé ici, il en allait de ma survie.

Pendant que nous attendîmes une seconde fois, l'excitation et la fébrilité ne tardèrent pas à m'envahir. Je n'avais assisté qu'à un seul concert auparavant, et le groupe qui y jouait était apparemment bien moins connu que celui que j'allais voir aujourd'hui. D'un autre côté, le fait de ne pas connaître ce groupe rajoutait un peu à ma hâte de le voir apparaître, et surtout d'entendre le genre de musique qu'il allait jouer. Le genre de musique que lui aimait.

Puis les lumières s'éteignirent, tout comme le bruit des conversations. Le rythme lent d'une basse se fit nettement percevoir dans l'obscurité, et d'autres instruments de tardèrent pas à la rejoindre: une batterie, puis un clavier, une guitare, qui tournaient tous une même phrase répétitive. Cela avait des allures de transe. Les lumières, progressivement, s'allumèrent sur la scène, dévoilant les artistes. Ceux-ci étaient habillés de manière simple, en jeans/t-shirt, semblaient avoir une bonne vingtaine d'années, et paraissaient très décontractés.

ChevauchéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant