Chapitre 12 ♦ Envole-moi

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Hier matin, je me suis réveillée comme tous les autres dimanches matins. C'est-à-dire paresseusement. Puis j'ai aperçu As, toujours en train de dormir dans son lit d'appoint, au pied du mien. Cette vision me rappela le jour important que nous étions; celui de mon deuxième concours sur le dos de mon cheval. Cette compétition était pour nous équivalente à une deuxième chance: la première que nous avions faite s'étant révélée être un fiasco, nous nous étions durement entraînés pendant une semaine, encadrés par mon ami As. Ce concours était donc l'occasion de vérifier que cet entraînement avait porté ses fruits.

En me remémorant tout cela, je sentis le stress monter en moi. Comme avant chaque jour important, je décidai donc d'aller voir Knight afin de m'apaiser et de vérifier qu'il soit dans les meilleures conditions possibles pour affronter cette journée importante. Quand je retournai dans mon salon, ma mère et mon ami venaient de se lever, et nous avons pris ensemble un petit déjeuner silencieux. Malgré cette sensation de nœud à l'estomac, je me forçai à avaler quelques biscuits et un fruit. Une fois que tout le monde fut prêt, je partis chercher mon cheval à l'écurie et l'emmenai dans le van, tout en lui chuchotant des mots doux qui étaient en réalité plus apaisants pour moi que pour lui. Quand ma mère fit tourner le moteur et s'engagea dans le chemin de terre pour rejoindre la route, je laissai mes yeux et mes pensées vagabonder, se perdant dans le paysage.

Après une bonne demie heure de route, notre destination fut en vue: le Club Équestre de Guymont. Cette vision me tordit de nouveau les entrailles mais quand, dans le rétroviseur, je croisai le regard confiant et apaisant de As, je me sentis tout de suite plus sereine. Lorsque nous descendîmes Knight du van, ce même regard apaisa également ma monture. Ce garçon, mon ami, semblait entouré en permanence d'une aura de sérénité. Près de lui, moi comme mon cheval pouvions garder un esprit lucide, dégagé de toute mauvaise pensée. Depuis le jour où nous nous étions rencontrés, plus d'un mois auparavant, il avait pris une part de plus en plus importante dans notre entraînement jusqu'à devenir notre entraîneur personnel, et ce malgré le fait que ne connaissait pas grand chose au monde équestre. Désormais, sa présence nous était, à Knight comme à moi, devenue indispensable. Ainsi, quand je préparai ma monture puis me mis en selle, il était toujours quelque part non loin, à garder un œil sur nous tel un ange gardien.

Afin de garder mon cheval le plus serein possible, je décidai de ne pas l'échauffer parmi les autres chevaux, préférant un coin plus tranquille en compagnie de As. Ce ne fut que quelques minutes avant d'entrer dans la carrière principale où se déroulait l'épreuve que je lui fis sauter quelques obstacles dans la carrière d'échauffement avec les autres chevaux. Je sentais le mien légèrement nerveux sous la selle, mais il était tout de même très concentré et ne se laissa pas déstabiliser par les autres participants.

Puis ce fut l'heure. Je me tenais sur le seuil de la carrière, attendant que le candidat précédent ait fini son tour. Mon ami s'approcha et posa une main sur l'encolure de ma monture. Je me refusai de le regarder, préférant rester concentrée sur le parcours que j'avais sous les yeux, sur l'épreuve qui m'attendait. Je tenais mes rênes courtes. Jambes au contact des flancs de Knight. Talons descendus. Dos droit, et regard au loin. Tous mes muscles étaient tendus, prêts à agir dès que le candidat aurait quitté la carrière et que mon numéro sera appelé dans les haut-parleurs. Je sentis l'autre main de As recouvrir la mienne serrée sur les rênes. Il la pressa en signe d'encouragement, et mon numéro retentit. J'entrai sur la piste.

Je partis d'un trot rapide en direction du jury et m'arrêtai net face à lui. À partir du moment où le premier sabot de Knight avait foulé le sable de la carrière, toutes mes inquiétudes avaient disparues. Il y avait moi, lui, et les obstacles. C'était un fait, un fait à affronter. Ainsi, ma voix se fit très assurée quand j'annonçai mon nom et celui de ma monture au jury. Je me mis ensuite sur un cercle pour lancer mon cheval dans un galop rythmé. Au fur et à mesure que j'agrandissais mon cercle et mes foulées, ma vision se rétrécit, pour se concentrer uniquement sur les oreilles de Knight, et les obstacles multicolores qui nous attendaient. Tout le reste devint flou. Le public, les camions, les autres chevaux, le jury. Je ne les distinguais plus. Mon ouïe aussi fit le tri des informations. Je n'entendais plus les bruits extérieurs. Seulement le rythme de mon cœur, exceptionnellement lent, et le souffle de Knight, cadencé par ses foulées. Mon état de concentration était tel que je manquai presque le signal du départ, quand le jury répéta mon nom dans les haut-parleurs, suivi du son de la cloche annonçant le début du chronomètre.

ChevauchéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant