Chevauchée

Chapitre 3 ♦ Un point partout

Voilà maintenant une semaine que l'inconnu avait débarqué à l'écurie, ou devrai-je plutôt dire, dans ma vie. Tous les jours, 18h, il était là, posté sous son arbre comme si c'était la chose la plus naturelle du monde, comme s'il n'avait vraiment que ça à faire la dernière semaine de vacances. Le mystère autour de lui ne s'était pas pour autant dissipé, je dirai même le contraire. Par contre j'avais réussi à légèrement m'habituer à sa présence, enfin je crois. Quant à lui, il n'ouvrait toujours pas la bouche, excepté pour saluer brièvement ma mère, lorsqu'il la croisait. J'avais également remarqué que chaque jour, il s'en allait un peu plus tard. Souvent, j'apercevais une moto rouge adossée au chêne à l'entrée, ainsi avais-je supposé qu'elle lui appartenait car, quelques minutes après qu'il ait quitté le bord de la carrière, j'entendais un léger bruit de moteur s'éloignait en direction de la ville.

Aujourd'hui, nous étions dimanche. Demain, c'était la rentrée. Quoiqu'il en soit, ce jour était mon dernier de vacances, et aujourd'hui c'était repos, je ne monterai pas mon Knight. La semaine dernière était une exception car il avait été au repos toute la semaine suite à une légère blessure, il fallait donc qu'il travaille un peu. Cependant, j'allais tout de même m'en occuper, et ce dès maintenant; je ne pouvais pas passer une seule journée sans lui depuis mes douze ans, quand ma mère me l'avait offert comme cadeau d'anniversaire. Sympa comme cadeau me diriez-vous? Il est vrai que ce cheval représentait énormément pour moi, nous deux c'était vraiment... fusionnel. Je m'occupais de lui depuis sa naissance, nous étions donc évidemment très complices. Il était à la fois mon cheval, mon petit frère, mais aussi mon meilleur ami, mon confident, celui qui me connaissait mieux que quiconque.

Bref, j'allais partir de ce pas le retrouver au paddock.

Il était tôt, bien trop tôt pour sortir du lit un dimanche matin, toutefois j'avais envie de passer le maximum de temps avec mon cheval avant la rentrée car une fois que les cours auraient commencés, je savais que ce sera bien plus difficile de lui accorder de mon temps. Je m'habillai à la hâte, laissai mes cheveux roux libres et sortis prendre l'air.

Le soleil était en train de se lever paresseusement, faisant baigner l'écurie dans un halo orangé. Je fis quelques pas et pus moi aussi profiter de la chaleur de ces premiers rayons de soleil sur mon visage. Je restai ainsi immobile quelques instants, le visage tourné vers le ciel et un sourire aux lèvres, puis me mis en route.

Avec ma mère, nous avions depuis toujours l'habitude de laisser les chevaux passer tout leur week-end dehors, même l'hiver, à seule exception près des week-ends de compétitions. Ceux-là étaient particuliers.

Arrivée à la barrière, j'observai un peu les chevaux somnoler au soleil. Au loin, j'aperçus Knight couché dans l'herbe. Le voir ainsi sans défense me fit sourire, et je passai sous la barrière blanche en bois pour aller le rejoindre. Je m'approchai doucement pour ne pas le brusquer, lui signalant ma présence en lui parlant tout bas.

Arrivée à sa hauteur, je lui offris un petit bout de carotte qu'il attrapa paresseusement. Le soleil levant se reflétait dans ses yeux et faisait briller son poil. Je le trouvai plus magnifique que jamais. Heureuse de partager un moment avec lui, je m'allongeai à ses côtés. Je m'adossai contre son flanc, mes jambes tendues face à moi, et lui me regardait faire tranquillement. Je me mis alors à lui parler tout bas. Je vis qu'il m'écoutait tout en continuant de somnoler, ce qui me fit de nouveau sourire. Décidément, ce cheval me donnait plus que ma dose de bonheur quotidienne! Je lui parlais alors de ma vie, de la rentrée qui approchait, du concours à venir également, qui sera son premier gros concours, puis je lui parlai de l'inconnu, parce que lui aussi le voyait et ne devait pas comprendre ce qu'il faisait là. N'allez pas croire que je parle de ce mystérieux jeune homme jour et nuit à tous ceux que je rencontrais! Simplement ma meilleure amie devait forcément être au courant, et mon cheval était tout aussi concerné que moi par cette affaire, lui aussi passait chaque jour sous le regard attentif de notre observateur!