Chevauchée

Chapitre 21 ♦ De l'autre bout du pays...

♫ Nous Ne Nous Parlerons Pas - JJ Goldman

" Chère Maud,

Voici maintenant une semaine que tu es partie en vacances chez ta tante. J'espère que tout se passe pour le mieux pour toi et que tu profites bien de ton séjour. D'après ta mère, tu aurais trouvé un petit job dans une grande écurie par l'intermédiaire de ta cousine Elsa, apprentie vétérinaire. Je suis heureux de penser que malgré le fait que tu sois à Paris, tu restes dans ton élément. De plus, il me semble avoir entendu que cette écurie était très réputée dans la région entière, si ce n'est le pays. Enfin, cela ne m'étonne pas de toi. Après tout, une fille aussi brillante et douée que toi avec les chevaux doit forcément être un grand atout pour eux. Ils ont de la chance de t'avoir je dirais même! J'espère qu'ils te payent bien d'ailleurs ;)

Oh, je suis désolé si ma lettre te met mal à l'aise. À vrai dire, j'ai parfois l'impression de tellement te connaître... Et cela est peut-être dû, entre autres, à ta mère relativement bavarde. C'est d'ailleurs elle qui m'a donné l'adresse de ta tante pour que je puisse t'écrire cette missive. Pour tout t'avouer, cela me met un peu mal à l'aise moi aussi; tu me connais, et je pense qu'il n'est pas difficile de deviner que je ne suis pas le genre de type très bavard, qui exprime chacune de ses pensées. Alors les coucher là, sur papier, ça me fait me sentir... bizarre. Mais j'aime bien ce sentiment. Malgré la boule au ventre que je ressens en écrivant ces mots, j'espère que grâce à ce papier, je serais un gars un peu moins mystérieux à tes yeux.

Quoiqu'il en soit, la première raison qui m'a poussée à t'écrire ce courrier est le petit paquet de croquis que j'y ai joint. Je pensais que avoir des nouvelles de ton cheval, ne serait-ce que par cette intermédiaire, te ferait plaisir. Étrangement, je ne pense pas me tromper d'ailleurs, surtout après avoir pu admirer le mur de ta chambre. J'espère que tu ne prends pas ces mots pour une marque de narcissisme, je voulais simplement te dire que j'avais été touché de voir que mes vulgaires croquis avaient une quelconque importance à tes yeux.

Depuis que tu es partie, ta mère m'a gentiment demandé de venir l'aider à l'écurie. Je suis donc venu tous les après-midis. Au début, j'avais un peu peur d'être un poids plus qu'une aide, mais ta mère en a profité pour m'apprendre de nombreuses choses sur la vie à l'écurie. C'est une femme très patiente et sympathique qui ne s'offusque pas de mon avarie en paroles. Elle semble bien m'apprécier, et j'en suis heureux. Elle m'a donc un peu accompagné les premiers jours, mais je dois dire qu'elle m'a vite laissé me débrouiller seul, car elle a vu que j'avais déjà pas mal de connaissances, et ce grâce à toi!

Il faut que je t'avoue que, avant de te rencontrer il y a trois mois, je n'avais jamais approché le moindre équidé. Mais je peux dire, qu'en quelque sorte, tu as changé ma vie. Grâce à toi, et à Knight aussi évidemment, j'ai appris à connaître de mieux en mieux les chevaux. À vrai dire, au début, je pensais que ce ne serait qu'un vague intérêt passager. Cependant, tandis que je me rapprochais de plus en plus de Knight, je me suis rendu compte à quel point ces animaux étaient fabuleux. Encore une fois, j'espère que tu ne t'offusqueras pas si je te dis que je ressens comme une espèce de... lien entre Knight et moi. Il ne m'a jamais été aussi facile de communiquer avec quelqu'un, même si à proprement parler, il n'est pas vraiment 'quelqu'un'. Enfin, s'il y a bien une personne qui peut comprendre ce que j'essaye de te dire, je pense bien que c'est toi, Maud.

Malgré tout cela, ne viens pas à te réjouir trop vite et à m'imaginer déjà en parfait garçon d'écurie, tu risquerais d'être bien déçue à ton retour. Vois-tu, je me débrouille bien avec de simples tâches et la plupart du temps, je ne compte uniquement que sur la gentillesse dont les chevaux font preuve envers moi, et sur ma capacité d'observation. Pour tout de dire, il m'est arrivé de rentrer Freedom au boxe, mais d'oublier de fermer le verrou du bas. Malin comme il est, le cheval de ta mère a ouvert le verrou du haut avec ses dents, ouvrant ainsi la porte! En le voyant faire quelques pas à l'extérieur de son boxe, je l'imaginais déjà partir au galop à travers champs. Bon, peut-être que j'exagère. Dans le pire des cas, je pense qu'il serait parti enfouir la tête dans la réserve de foin. Quoiqu'il en soit, quand je l'ai vu commencer à sortir de son boxe, je ne savais pas vraiment comment réagir alors, en désespoir de cause, j'ai pointé mon doigt vers son boxe en lui intimant fermement de faire demi-tour et d'y retourner. Contre toute attente, c'est ce qu'il a fait. D'après la tête que ta mère a faite, je ne pense pas que c'était la manière la plus académique de régler ce problème, et j'ai bien eu de la chance que Freedom ait eu pitié de mon inconnaissance et m'obéisse. La chance du débutant je suppose...

Quant à Knight, ta mère m'a proposé de m'en occuper en ton absence. Au début, j'étais plutôt réticent, n'ayant pas ton accord. Mais lorsque'elle a complété que je devais simplement assurer ses aller-retours entre le paddock et le boxe, sa bonne alimentation, et ses soins réguliers, j'ai accepté. J'espère encore une fois que j'ai fait ce qu'il fallait, et que cela ne te dérange pas. Je sais que c'est vraiment très culotté de ma part alors si tu m'en veux, je comprendrais parfaitement. Quoiqu'il en soit, ton cheval se porte très bien, et j'essaye de veiller à son bonheur du mieux que je peux. Selon ta mère, il ne pouvait pas tomber entre de meilleures mains. Mais bon, j'ai du mal à la croire: je sais qu'elle fait ça pour mon bien, pour que je me sente à l'aise, mais parfois je ne me sens pas digne de ses compliments.

Pour finir, ta mère a déjà commencé à me parler de prochaines compétitions pour vous deux. Je n'ai pas commis la même erreur que précédemment, et lui ait dit que j'allais y réfléchir, qu'il fallait que je t'en parle avant. De plus, l'importance que ta mère semble apporter à mon jugement me rend un peu inconfortable; j'ai l'impression que votre avenir en compétition repose sur moi, est entre mes mains de motard mal assuré... Bref, laisse-moi te parler brièvement de ce concours en question: c'est un autre Club2, ce coup-ci à environ une petite trentaine de candidats, pour la plupart jeunes chevaux également, bien qu'il y ait aussi des poneys plus expérimentés. Il se déroulera à Bezoir-en-Verrière, vers fin novembre, ce qui nous laissera un petit mois pour nous préparer si tu es partante... et si tu es toujours d'accord pour que je continue à être votre 'coach' improvisé, car ta mère ne semble pas prête à démordre de cette idée.

Je vais finir là-dessus, en te transmettant toutes mes amitiés et en espérant que tu passes du bon temps à Paris.

Reviens-nous vite, deux hommes attendent ton retour avec impatience.

Signé ton fidèle AS. "