Chapitre 13 ♦ Petites merdes et tas de fumier

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♫ Lips Of An Angel - Hinder

Le lundi midi, après avoir rendu mon devoir de français, je descendais les escaliers pour me rendre au self quand Amélie m'intercepta:

« Salut Maud. Euh dis, est-ce que je pourrai te parler un petit peu s'il te plaît?

– Oh, Amy! Oui bien sû... commençai-je avant d'être coupée par un grognement provenant de mon estomac.

– Désolée, ça ne sera pas long. Tiens, prends ça en attendant si tu veux, me dit Amélie en me tendant une pomme qu'elle sortit de son sac.

– Wah merci! Tu voudrais qu'on aille quelque part peut-être?

– Oh non, ne t'en fais pas, on n'a qu'à aller au pied d'un poteau là-bas.

Nous nous assîmes donc par terre côte-à-côte, un peu plus loin dans la mezzanine. Je ne l'interrogeais pas, j'attendais simplement qu'elle soit prête à me dire ce qu'elle avait à me confier. Amélie est moi ne nous connaissions que depuis l'année dernière, lorsque nous nous étions retrouvées dans la même classe. Elle semblait être une fille timide mais derrière cette apparence se cachait une personne qu'il ne fallait absolument pas contrarier. Elle parlait peu, non pas qu'elle n'ait rien à dire, simplement qu'elle ne voulait pas déranger les autres avec ses histoires, qu'elle préférait régler seule. Toutefois, nous étions devenues plutôt proches l'année passée, et elle s'ouvrait donc plus facilement à moi, lorsque nous étions seules. Depuis la rentrée, je voyais bien qu'elle ne semblait pas dans son assiette. Elle avait changé. En dehors de sa coupe de cheveux et de son style vestimentaire, elle paraissait plus triste que d'habitude, plus solitaire, un peu comme la Amélie que j'avais rencontrée un an auparavant. Cependant, je ne l'avais jamais interrogée. Je la connaissais, et savais qu'elle s'ouvrirait quand elle en aurait besoin.

« Jesuisassiseacotedechrisencoursjevoulaisjusteloubliermaisjaicommelimpressionquilchercheameredraguercestcequejevoulaismaislacestvraimenthorriblepuisaussimichaelsestcasselepoignetetaussimesparentsnarretentpasdesengueulerjecroisquilsvontdivorcercestvraimentaffreux!  

Je n'avais saisi que quelques mots de cette phrase débitée à toute vitesse: Chris, horrible, Michael, cassé, parents, divorcer. Une minute passa sans que nous bougeâmes, regardant sans les voir les quelques élèves qui restaient dans les couloirs. Puis elle éclata en sanglots. Cette fille n'aimait pas beaucoup les mots, que ce soit pour en donner ou pour en recevoir. Je ne savais pas vraiment quoi lui dire pour la réconforter étant donné que je n'avais pas vraiment compris ce qui la tracassait, et le fait qu'elle préférerait que je ne dise rien m'arrangeai. Je me contentai donc de passer mon bras gauche par dessus ses épaules pour la serrer contre moi. Je lui tendis un mouchoir pour éviter qu'elle salisse trop ma chemise tout de même, puis lançai des regards assassins aux quelques curieux qui s'approchaient, leur suggérant très explicitement de passer leur chemin.

Quand les épaules d'Amélie arrêtèrent de trembler, je me mis debout, et lui tendis la main. Elle la saisit et tandis qu'elle se relevait, je voyais que les larmes continuaient malgré tout de cascader le long de ses joues. Sans lâcher sa main, je pris nos deux sacs, et la tira dehors, après avoir fait un détour par mon casier pour prendre mon paquet de Oréo réservé aux cas d'urgence. Nous nous dirigeâmes vers un coin éloigné de la cour, à l'abri des regards, puis nous assîmes de nouveau côte-à-côte, dans l'herbe. Je posai le paquet de Oréo face à nous, et nous commençâmes à observer les jeunes allant et venant entre le lycée et la ville. La moitié de la pause déjeuner s'était déjà écoulée, mais je m'aperçus que les joues de mon amie était également sèches.

« Tu connais les petites merdes de la vie? lança-t-elle de brut en blanc, tout en continuant d'observer les gens. Tu sais, celles qui s'accumulent jusqu'à former un beau tas de fumier. »

ChevauchéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant