Chapitre 29 ♦ Un air si pur

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♫ Drive By - Train


Maud.


« Hey, As, on est arrivé... »

Il grogna et remua la tête, mais ses yeux restèrent clos. Je ris doucement, sans raison particulière, simplement parce que j'étais contente d'être là, avec lui. Ce fut mon rire qui le tira de son sommeil apparemment très profond. Il ouvrit les yeux mais les garda plissés pour se protéger de la lumière du soleil, à la manière d'un bébé chat. Cela avait beau ne pas être la première fois que je le voyais émerger (à vrai dire j'avais l'impression qu'il dormait partout et tout le temps ce gars!), je ne pouvais m'empêcher comme toutes les autres fois de le trouver absolument adorable.

Un immense sourire m'échappa, auquel il répondit avec une vague moue endormie. Sans plus attendre, je pris mon sac et sortis du bus.

Dehors, l'air était frais et pur, débarrassé de toute la pollution des grandes villes. J'en profitai pour inspirer un grand coup, observant les montagnes qui se dressaient face à moi. À vrai dire, j'étais plutôt impressionnée, n'ayant pas vu de sommets enneigés depuis de nombreuses années. En me retournant, je vis que As m'avait déjà rejointe:

« Regarde As! Toutes ces montagnes! Wah c'est magnifique! »

J'avais l'impression d'être un peu gamine avec mes yeux pétillants, mais c'était plus fort que moi. J'adorais la montagne mais je n'avais eu la chance d'y aller que quelques rares fois quand j'étais petite. Ma réaction sembla amuser mon beau brun, mais je n'y prêtai pas attention. Je levai la tête vers les sommets et restai ainsi, ébahie.

« Maud! gronda un professeur. Mets une veste ou tu vas attraper froid J'ai pas envie de tous les gosses se mettent à éternuer pendant cinq jours!

– Euh... Oui Monsieur! »

Je me retournai vers As mais celui-ci n'était plus là. Je le cherchai alors du regard à travers la foule et l'aperçus au même instant se diriger vers moi.

« Hé As, attends-moi faut que j'aille récupérer mon sweat, je l'ai oublié dans le bus! »

Mais alors que je m'apprêtai à faire demi-tour, il m'attrapa le bras. Je me retournai pour le voir avec une mimique amusée. Il me tendit un sweat avec un air de "c'est ça que tu cherches?". Je le regardai avec un air étonné, puis enfilai le sweat qu'il me tendait. C'est alors que je remarquai qu'il avait également avec lui deux valises. Reconnaissant la mienne, je lui lançai un regard doublement reconnaissant. Lui me fit un sourire charmeur et s'inclina tel un gentleman. Je pouffai et voulus lui prendre ma valise, mais lui mit à point d'honneur à vouloir me la porter.

« Nan mais arrête As, tu vois bien qu'on est sur un chemin de terre, on arrivera jamais au chalet comme ça! »

Je rigolai face à la stupidité de la chose, mais ne pus m'empêcher de rougir un peu, gênée qu'il en face tant pour moi. D'ailleurs, il répondit à ma phrase par un regard assassin qui signifiait un truc comme: "Je ferai rouler cette valise en haut de la colline, de gré ou de force, il en va de mon honneur! Arrête de me sous-estimer, et regarde l'homme en action!"

Cependant qu'il tentait de faire rouler nos deux valises sur ce chemin de terre caillouteux et en pente qui nous menait au chalet, je me moquai ouvertement de lui. À vrai dire, l'envie de le titiller et de le taquiner un petit peu était trop forte.

Il y avait donc lui, galérant comme un galérien, et moi, rigolant à plein poumons en l'encourageant comme si c'était l'épreuve de sa vie. Puis il y avait tous ces élèves qui nous dépassaient, nous lançant des regards ahuris qui ne faisaient qu'accentuer mon fou rire. Nous devions passer pour des personnes légèrement perturbées, mais c'était bien la dernière chose qui me préoccupait! En fait, plus rien ne me préoccupait: c'était comme si je m'étais droguée à l'air pur de la montagne. Je n'avais pas autant ri depuis longtemps, et cela me faisait un bien tellement fou que je n'en avais rien à foutre que les autres élèves nous surprennent dans cette situation étrange, alors qu'au lycée j'étais la première à faire comme si Lui et moi ne nous connaissions pas.

Quand enfin nous arrivâmes au chalet (en dernier bien sûr), je dus m'asseoir quelques instants sur les marches du perron pour pouvoir reprendre mon souffle. Malgré son air contrit, je vis bien que mon ami aussi s'amusait de la situation (de sa propre situation!), et il me lança un regard complice accompagné un clin d'œil qui, pour une raison étrange, me serra le cœur.

« Ah, vous voilà les retardataires! C'est pas trop tôt! Qu'est-ce que vous foutiez, ça fait une plombe qu'on vous attend! »

Jetant un regard à As, je dus faire un effort considérable pour ne pas exploser de rire et répondre le plus sereinement possible.

« Excusez-nous Monsieur, on euh... On s'était perdu et... »

À mes côtés, je vis les épaules de mon complice trembler, ses lèvres se pincer sévèrement, puis son regard se fixer dans le lointain. C'était à son tour d'être au bord du fou rire face à ma tentative désastreuse pour sauver son honneur du mieux que je pouvais.

« Vous vous êtes perdus? le prof avait l'air totalement ahuri. Mais... Il n'y a qu'un seul chemin, et on voit le bus d'ici! continua-t-il.

– Oui Monsieur mais c'est que... Mon ami avait envie d'aller au petit coin... »

As me lança un regard noir tout en continuant d'étouffer son fou rire.

« ... du coup je l'ai attendu en gardant sa valise, sauf que la mienne est tombée et a dévalé la pente, du coup j'ai dû aller la chercher puis...

– STOP! cria le prof. Je... on va s'arrêter là, je veux pas savoir en fait. Dépêchez-vous de rentrer plutôt. »

Le pauvre gars avait l'air tellement désespéré. Dur dur d'être prof de nos jours!

As se leva le premier, des larmes se formant au coin des yeux à force de retenir son rire. Il m'aida à me relever, puis nous prîmes nos valises et entrâmes dans le bâtiment sous le regard sévère de M.Désespéré (ne connaissant pas son véritable nom, celui-ci lui allait à merveille). Une fois à l'intérieur, il nous indiqua la direction des dortoirs puis s'en alla après nous avoir recommandé une ultime fois de nous dépêcher. Quand il fut assez loin, As se lâcha enfin, et son rire éclata, tonitruant.

« Doucement As, lui soufflai-je amusée, pas si fort! Je... je crois que tu fais trembler les murs. »

Il s'arrêta un instant, me jeta un regard interrogateur suite à mon affirmation plutôt absurde, puis repartit de plus belle, m'entraînant cette fois avec lui.

« I... Imagine que... les murs du coup ils... ils tombent puis que... on se prenne le plafond dans... le plafond dans... la gueule! »

Ok, nous avions décidément l'air de deux bourrés, assis sur le tapis du couloir, nos jambes n'ayant plus la force de nous porter. Quand enfin je retrouvai un minimum de mon sérieux, je vis des larmes couler le long de ses joues.

« Hé mais As tu... tu pleures! Mais attends tu... tu rigoles pourtant hein! Je crois que t'es la première personne que je connais qui pleure quand elle rigole! Ah non, t'es la deuxième en fait! La première c'est Kaylie, mon ex-voisine de 6 ans qui portait toujours des couettes. »

Oui, c'était de la provocation, et assumée. En même temps, je m'étais rapprochée de lui. Nous ne riions plus, mais avions chacun un sourire amusé. Je tendis la main et essuyai doucement les traces de larmes qui lui restaient sur les joues. Son sourire s'effaça peu à peu, se faisant plus timide. En vrai, un blanc s'était installé. Je retirai donc ma main, mais il me la retint et y déposa un baiser furtif avec sur air charmeur.

Cet air me confirma qu'il était parfaitement conscient de l'effet qu'il me faisait. En même temps, vu la couleur de mes joues cela ne devait pas être très compliqué à comprendre!

« Tu commences à prendre de l'assurance toi! me ressaisis-je. Tu es vraiment sûr de vouloir jouer avec moi? »

J'avais dit ça sans vraiment réfléchir, parlant de plus en plus bas en même temps que je me rapprochai de lui. Son sourire disparut. Nous n'étions plus qu'à quelques infimes centimètres l'un de l'autre, à tel point que je devais loucher pour le voir clairement. Je sentais son souffle sur mon visage, s'accélérant de plus en plus, à l'instar du mien. Je continuai de me rapprocher doucement, millimètre par millimètre, mon cœur s'affolant dans ma poitrine. Puis j'inclinai légèrement la tête et fermai les yeux.

ChevauchéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant