Chapitre 4

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Enfin, il s'arrêta. Le couloir était désert, silencieux, et elle lutta pour reprendre son souffle. Il avait avancé à grands pas, la forçant à courir pour ne pas se laisser distancer. Ils avaient pris des rampes, de multiples escaliers, des passages et des couloirs tant de fois qu'elle aurait bien été incapable de retrouver son chemin toute seule.

Cet endroit est absolument gigantesque !

Il lui sembla que sa respiration haletante se répercutait et s'amplifiait dans le silence, mais ce n'était sans doute qu'une impression... Devant elle, il était immobile.

Elle attendit. Ses larmes avaient séché sur son visage, mais elle savait qu'elles n'étaient pas loin, pouvant refaire surface à tout moment.

Elle s'en moquait.

Avec un chuintement étouffé, les lourdes portes d'acier coulissèrent alors dans le mur, et une bouffée d'air humide leur sauta brusquement au visage. Au-delà de l'ouverture s'étendait une vaste terrasse de pierre grise, luisante de pluie. L'air était frais et légèrement âcre, tel l'odeur d'une averse d'été sur le bitume surchauffé. Elle s'aperçut avec surprise qu'il faisait presque nuit : elle avait complètement perdu la notion du temps dans ces salles et ces couloirs sans fin, totalement dénués de la moindre fenêtre, et elle s'était imaginée, jusqu'à cet instant, qu'ils étaient le matin...

Tu parles d'un décalage horaire... planétaire ? ...galactique ? Non, ne pense pas à ça, pas maintenant !

Il franchit les portes sans lui adresser ni un mot ni un regard, sa cape battant lourdement l'air derrière lui. Elle se mordit les lèvres pour se donner du courage, et lui emboîta le pas. Jamais personne ne l'avait autant impressionnée que cet homme, mais déjà elle commençait à s'habituer à ses manières brusques, à cette autorité silencieuse encore plus efficace que s'il avait tempêté.

Une bruine légère tombait, pas assez soutenue cependant pour mouiller franchement. Elle sentait sa caresse fraîche sur son visage alors qu'elle suivait la haute silhouette sombre, et elle l'accueillit avec un vrai soulagement. Depuis qu'elle avait traversé ce fichu « Vortex », c'était la première fois qu'elle sortait de l'atmosphère confinée, régulée, aux odeurs à la fois étranges et poussiéreuses, qui régnait dans les couloirs de cet endroit immense, et même si elle frissonnait légèrement dans la brise humide, elle avait l'impression de mieux respirer, tout à coup.

Il ne s'arrêta qu'à l'extrême bord de la terrasse. Il n'y avait ni barrière, ni protection d'aucune sorte. Elle s'approcha alors, et commit l'erreur de regarder vers le bas. Elle prit une grande inspiration et fit un pas en arrière, puis deux. Elle ferma les yeux pour tenter de réprimer sa panique, puis les rouvrit aussitôt : il était plus avisé de voir où elle mettait les pieds.

Insensible au vertige, il contemplait le paysage à ses pieds, inexpressif. Elle déglutit. Voir quelqu'un si près d'un tel vide la mettait vraiment mal à l'aise, mais l'homme ne semblait pas effrayé le moins du monde par l'à-pic qu'il surplombait.

Afin de penser à autre chose, elle reporta son regard sur les environs. Vers le haut, et non vers le bas. Et malgré sa panique, malgré le désespoir qui l'emplissait depuis qu'elle avait appris qu'elle ne pouvait pas rentrer chez elle, elle ne put s'empêcher d'être abasourdie... Oui, la vue valait le détour !

En cette fin d'après-midi, le ciel était bas, et les nuages d'un noir menaçant filaient vers l'horizon, semblant si proches qu'elle s'imagina un instant pouvoir les toucher. A leurs pieds, et jusqu'à perte de vue, s'étendait une ville.

S'il avait encore fallu un argument pour lui prouver qu'elle avait quitté sa planète – en plus du Vortex, de la langue, des pouvoirs de son interlocuteur – la simple vision de la ville à ses pieds aurait levé ses derniers doutes.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant