Les deux sculpturales gardes du corps n'avaient pas bougé. Redressant la tête, tentant de masquer ses yeux rougis, elle passa devant elles sans leur accorder un regard. Elle pouvait sentir leur mépris peser sur ses épaules. De toute évidence, elles la considéraient juste comme un jouet, la petite jayn apprivoisée du Seigé Leftarm...
Et avaient-elles tort ?
En d'autres circonstances, tout cela ne l'aurait probablement pas touchée. Le Seigé lui avait dit et répété que c'était justement son apparence anodine, inoffensive, qui était son principal atout. Ces femmes hautaines étaient peut-être surentraînées, mais elle aussi, et grâce aux rigoureuses leçons du Lieutenant Saulnier, à celles du Centre, et à son poeïr, elle était sans doute capable de les mettre au tapis si besoin.
Mais avec ce qui venait de se passer dans le bureau du Directeur, son assurance avait été sérieusement mise à mal. Devant leur attitude, son orgueil en prit un coup. Elle se sentit mortifiée devant leur air goguenard, et ressentit soudain une brûlante envie de leur faire rentrer leurs airs supérieurs dans la gorge.
De leur montrer, à tous !
Il faut dire que ces femmes dégageaient aussi autre chose, qui n'avait rien à voir avec leur compétence supposée au combat. Elles irradiaient quelque chose dont Claire sentait bien qu'elle était complètement dépourvue, une sensualité lascive et dangereuse que la jeune fille aurait été bien incapable de feindre, même en essayant. Complètement inexpérimentée, elle n'avait jamais encore été attirée par le sexe opposé. Les histoires de cœur de ses amies l'avaient toujours laissée vaguement sceptique, même si elle affichait un intérêt de façade, et ce n'était pas à Bhénak que ce domaine-là aurait eu une chance de se développer.
Elle trouvait donc ces femmes vaguement vulgaires, et pourtant, quelque chose la fascinait dans leur attitude décontractée, quelque chose qu'elle n'arrivait pas à comprendre, qui la révulsait et l'attirait tout à la fois. Elle se sentit donc prise d'une colère inattendue devant la morgue qu'affichaient les guerrières alors qu'elle traversait l'atrium.
— Ça n'a pas été long, commenta la rousse d'un ton nonchalant, de manière parfaitement audible.
— Je vous demande pardon ?
Le cœur battant plus vite, elle s'arrêta et se retourna lentement. Les deux femmes l'observaient toujours d'un air goguenard. La blonde répondit à la rousse, sans quitter Claire des yeux :
— Il n'en a fait qu'une bouchée. Je crois que tu as gagné ton pari.
— C'est de moi que vous parlez ? s'enquit-elle calmement, sentant la colère former une boule au fond de son estomac.
— Oh, regarde-moi ça. Laisse tomber, petite jayn, jeta la blonde avec commisération. Tu n'es pas à la hauteur, c'est tout.
Dans sa bouche, le terme honni prenait une tonalité méprisante, plus que condescendante. Il acheva de brûler au rouge la jeune fille.
— Je ne vous permets pas... commença-t-elle d'un ton menaçant.
La boule montait, s'échauffait, prête à éclore, mais Claire avait encore assez de présence d'esprit pour la contenir.
— Ça essaie de mordre, en plus ! sourit la rousse. Amusant !
En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, les deux femmes s'étaient redressées. Vives comme l'éclair, elles s'étaient approchées. La blonde lui caressa la joue d'un air faussement apitoyé.
— Alors, jayn, on essaie de jouer dans la cour des grandes ? Mais, ma puce, il faudrait être équipée pour ça !
En d'autres circonstances, Claire n'aurait sans doute pas cédé à la provocation. Mais après ce qui venait de se passer, l'air supérieur des deux femmes lui parut totalement insupportable. La colère explosa.
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Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1
Ciencia Ficción"A ce moment-là, la jeune fille sentit son cœur s'arrêter de battre. Elle comprit que ce soir-là, elle allait mourir. Elle était trop terrifiée, elle était trop hébétée, elle était trop stupéfaite pour se poser des questions sur cette mise en scène...