Chapitre 5

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Une nouvelle nuit dans sa cellule, chambre, ou quoi que ce soit d'autres. De longues heures passées à se morfondre, à pleurer encore, et à s'interroger sur cet homme et sur ce qu'il attendait d'elle.

Un soldat – impossible de savoir si c'était le même ou non - lui porta, sans un mot, un nouveau repas, avec des aliments au goût tout aussi étrange que la première fois. Elle essaya de manger, mais n'y parvint pas. La boule qu'elle avait dans l'estomac depuis qu'elle avait compris qu'elle ne pourrait pas rentrer chez elle l'empêchait d'avaler plus que quelques bouchées.

Entre ces murs aveugles, impossible de deviner si le jour arrivait. Sur la montre qu'elle avait toujours au poignet, elle voyait lentement les heures passer, mais elle ne savait même pas combien de temps durait une journée, ici. Depuis la « traversée », il s'était écoulé quarante-huit heures. Ou seulement trente-six ? Elle ne savait déjà plus. Sous ce plafond éternellement lumineux, elle avait l'impression que sa vie d'avant était déjà loin, très loin.

Au cours de cette nuit interminable, elle se retrouva plusieurs fois à pleurer, à hoqueter de façon incontrôlable, alors que l'énormité de la situation la submergeait. Ses parents lui manquaient déjà tant ! Ils devaient être tellement inquiets ! Etait-il possible, vraiment possible, qu'elle ne les revit plus jamais ?! La pression lui semblait alors si forte, qu'elle avait l'impression qu'elle allait éclater. Elle ne savait pas si elle souhaitait, ou craignait, que quelqu'un ne vienne voir ce qui se passait, mais la porte resta obstinément close. Et chaque crise de larmes la laissait plus fatiguée que la précédente.

Puis ce fut le matin. Elle avait fini par s'endormir, épuisée, et le soldat la réveilla en lui apportant ce qui était probablement le petit déjeuner : une bouillie au goût différent, une espèce de tisane et des biscuits caoutchouteux. Là encore, elle ne put avaler plus d'une bouchée. Un peu plus tard, le soldat revint et lui fit signe de le suivre.

Elle se sentait sale et poisseuse. Elle n'avait pas changé de vêtements depuis deux jours, peut-être même trois, et elle rêvait désespérément d'une bonne douche et d'un coup de peigne. Mais elle n'osa rien demander.

Le soldat la guida à travers une nouvelle partie du bâtiment gigantesque, sans un mot. Depuis qu'elle avait accepté la proposition de Seigé Leftarm, elle n'avait plus qu'un seul soldat comme escorte, et il gardait son arme au côté. Une marque de confiance ?

Ils craignaient quoi, au juste, avant ? Que je m'enfuie ? Vers où, de toute façon ?

Ils arrivèrent bientôt dans un immense hangar, où se trouvait une navette à la forme allongée, couleur bronze, hérissée de tubulures et à peu près de la taille d'un jet privé, sur Terre, mais en beaucoup plus massif.

Des hommes et des femmes, en uniforme vert et noir, montaient la garde, tandis que d'autres vérifiaient des circuits derrière des panneaux ouverts sous la coque. L'air était curieusement piquant. Il y avait du bruit, de l'agitation, des sifflements de vapeur, tant de choses à voir qu'elle ne savait plus où regarder, oubliant temporairement son abattement pour ne garder que la stupéfaction.

Le soldat la conduisit directement vers une grande rampe qui se noyait dans les entrailles du vaisseau. Drapé dans sa cape, l'énigmatique Seigé se trouvait déjà là, parlant dans le couloir avec un homme vêtu lui aussi de vert et noir. Celui qu'il fallait bien appeler son nouvel employeur tourna la tête en sa direction et fit un bref signe à son escorte. Ce dernier la guida alors, par un escalier étroit, jusqu'à une section de la navette, à l'étage supérieur, qui ne ressemblait en rien à ce qu'elle aurait imaginé.

Elle s'était attendue aux lignes épurées, au design fonctionnel qu'on pouvait trouver dans un avion, un jet privé, ou encore dans les images aseptisées des vaisseaux spatiaux de science-fiction qu'elle connaissait. Mais si l'idée générale restait la même – de part et d'autre d'une large allée centrale, plusieurs sièges capitonnés étaient disposés en face à face, entre deux longues baies ovales qui donnaient sur l'activité fourmillante du hangar – le style en était totalement différent.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant