Chapitre 26

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Quelques minutes plus tard, la navette se posa dans une baie de la sphère centrale. Appliquant avec ferveur toutes les techniques de méditation qu'elle avait apprises, Claire avait réussi à réprimer son mal de cœur.

Mais c'est pas passé loin... Purée, j'espère ne pas avoir d'autres surprises de ce genre !

Elle résolut de se concentrer sur son environnement, pour se changer les idées. Comme elle  l'avait appris durant ses cours avec Inause, et comme elle l'avait remarqué dans les holovids qu'elle avait vus dans ses rares moments de loisirs, le système de fermeture de la baie ressemblait de façon étonnamment familière à certains films de science-fiction de la Terre. Il s'agissait en effet d'un champ magnétique, quasiment transparent, qui fermait l'accès à la bouche d'amarrage et permettait de conserver l'atmosphère à l'intérieur, tout en laissant passer les vaisseaux. Quasi-invisible à l'œil nu, hormis une légère distorsion rougeâtre sur ses bords, le bouclier assurait la sécurité des êtres vivants tout en permettant aux engins mécaniques correctement équipés de franchir le barrage comme s'il n'existait pas.

Cette curieuse sensation de familiarité persista quand elle descendit de la navette, suivant le Lieutenant qui n'avait levé la tête de son bayni qu'au moment où la coupée s'était abaissée. Contrairement à Bhénak, dont la plupart des installations et constructions étaient en pierre, ici le métal et le plastacier prédominaient, dans les teintes de gris et de blanc. Une seule autre navette se trouvait dans la baie, sas refermé, alors que des robots d'entretien tournoyaient sur sa coque.

— Première fois sur une Station, hein ? s'enquit le Lieutenant, à qui n'avaient manifestement pas échappé les regards fascinés de la jeune fille, qui essayait de ne pas perdre une miette de ce nouvel environnement tellement insolite.

Elle hocha la tête, préférant ne pas répondre. Elle devait constamment se rappeler qu'elle était censée être originaire de la planète Déhecité, et donc, avoir déjà connu au moins un vol spatial, afin de venir sur Kivilis. Cela n'impliquait pas forcément d'avoir déjà mis le pied sur une station orbitale, mais il fallait malgré tout qu'elle s'applique à ne pas paraître trop dépaysée ! Le Lieutenant hocha la tête en retour, l'air satisfait, et la guida alors à travers un dédale de rampes, de couloirs et de translifts gigantesques, la plupart fourmillant de monde.

Soldats se déplaçant en cohortes, officiers à l'air pressé, techniciens de maintenance et autres militaires aux fonctions diverses et variées, tous se pressaient dans les corridors plus ou moins étroits, se ruaient dans des turbolifts ou patientaient dans des aires de repos aménagées çà et là. Cependant, plus ils avançaient, plus la foule se raréfiait, jusqu'à ce qu'ils finissent par arriver dans un long couloir qui semblait se terminer en cul-de-sac.

Alors qu'ils approchaient, Claire se rendit compte que les derniers mètres du couloir étaient occupés par un puits qui faisait toute la largeur du corridor. Le Lieutenant lui jeta un regard ironique. Sans attendre et sans la moindre explication, il s'approcha vivement du bord et l'enjamba. Ou sauta. Ou sembla sauter. Et il disparut à sa vue.

C'est seulement lorsqu'elle ne fut plus qu'à un pas du puits qu'elle l'aperçut, qui l'attendait tranquillement quelques mètres en dessous. Enfin, pas totalement en dessous, plutôt, debout à quatre-vingt-dix degrés, sur la paroi la plus proche d'elle. Elle comprit qu'il s'agissait d'un point de basculement de gravité – elle en avait souvent entendu parler, mais ne l'avait jusqu'à présent jamais physiquement expérimenté.

Parce que son instructeur l'attendait d'un air narquois, attentif à la façon dont elle allait négocier ce passage délicat, elle s'interdit de réfléchir plus avant. Pourtant, elle devait bien reconnaître que tout son être lui criait de ne pas faire ce simple pas en avant, au-dessus du « vide ».

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant