Chapitre 14

84 14 47
                                    

Par la suite, elle était redescendue quelques fois au Hangar Dix-Sept. Moins souvent qu'elle ne l'aurait souhaité, certes, car son emploi du temps surchargé lui laissait rarement l'occasion de flâner dans les immenses couloirs de la Résidence, et encore moins de passer du temps à discuter avec ses occupants. Aussi se contentait-elle la plupart du temps d'un bref salut à l'occasion de sa course du matin – quand elle croisait Pieric, ce qui n'était que rarement le cas car les quarts de ce dernier changeaient souvent.

Elle avait fini par découvrir – sans véritable surprise – que le Seigé était parfaitement au courant de ses incursions du côté du Secteur E. Le premier soir, elle s'était d'ailleurs plus ou moins attendue à ce qu'une convocation au Grand Bureau ne suive ce premier contact, mais nul message n'était venu l'enjoindre de venir s'expliquer, et elle avait commencé à penser que, peut-être, tous ses faits et gestes n'étaient pas systématiquement surveillés.

Et cependant, quelques temps plus tard, au cours de l'une de ces « conversations » concernant sa planète natale, son employeur avait laissé échapper :

— Alors, comment va votre ami aux cheveux noirs ?

— Mon ami aux cheveux noir ? avait-elle prudemment répété, sentant son estomac se nouer.

Devant le regard inflexible du Seigé, elle avait baissé les yeux. Croyait-elle vraiment l'abuser ainsi ?

— J'ai juste discuté un petit peu avec lui ! s'était-elle défendue. Il a été gentil avec moi, il m'a proposé de me faire visiter le Hangar Dix-Sept, alors j'ai accepté ! Mais c'est tout !

— Je sais déjà tout cela, avait rétorqué le Chef de Bhénak. Tout comme je sais qu'il vous a pris en amitié car vous lui faites penser à sa petite sœur adorée.

— Si vous savez cela, s'était-elle surprise à répondre, blessée, alors vous savez que je n'ai rien dit... que j'ai fait en tout point comme vous m'avez dit... qu'il ne sait pas ce que je fais vraiment ici !

— Effectivement, avait-il acquiescé. Et c'est la raison pour laquelle je ne suis pas intervenu. Il me paraît en effet tout à fait opportun que vous commenciez à vous familiariser avec les Secteurs de la Résidence et avec leurs différents occupants.

Le Seigé l'avait observé, les yeux mi-clos, comme s'il évaluait ses chances de saisir pleinement ce qu'il disait.

— Comprenez-moi bien, jayn Monestier, avait-il repris (et ici, le terme insistait surtout sur sa jeunesse et son inexpérience). Je ne vous interdis pas vos petites promenades au Hangar Dix-Sept. Mais faites attention. Dans votre futur poste, toute amitié serait une faiblesse dans laquelle vos ennemis pourraient se glisser.

— Mes ennemis... ?

— Au niveau de responsabilités qui sera le vôtre, vous aurez forcément des ennemis. Ne leur donnez pas prise par un attachement malavisé.

— Mais...

— Vous pouvez retourner au Secteur E. Ecoutez. Observez. Apprenez tout ce que vous pouvez, sur ces gens et comment ils fonctionnent. Mais n'oubliez pas de garder vos distances, quoi qu'il arrive... sans quoi, je pourrais être contraint de prendre des mesures.

Puis le Seigé avait détourné les yeux, lui signifiant d'un geste la fin de l'entretien. Abasourdie, elle avait salué puis s'était retirée, l'esprit en ébullition.

Lorsqu'elle avait croisé Pieric et ses collègues, quelques jours plus tard, sur le chemin de ronde, elle les avait salués rapidement. Elle se sentait mal à l'aise, alors qu'elle commençait tout juste, avant cette discussion, à être un peu moins empruntée en leur présence ! La demi-permission du Seigé, lourde de sous-entendus, avait gâché le plaisir qu'elle avait pris jusqu'ici à ses visites au Hangar Dix-Sept.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant