Chapitre 66

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La haute silhouette lui tournait le dos.

— Ah, Assistante Monestier, déclara Leftarm sans se retourner. Vous arrivez à point nommé.

Encore quelques pas, et elle aperçut une scène qui doucha tous ses espoirs. Marc, Giles et Camyl étaient là, bien sûr, les mains croisées au-dessus de la tête, au milieu d'un autre cercle de soldat. Derrière eux, reconnaissable à sa peau bleu, le corps de Bert, le Sullite, était affalé sur la passerelle selon un angle impossible. Nul trace de Messia, le deuxième articifier.

Ils ont échoué...

Son ventre se noua, et elle secoua la tête, atterrée. Mais avant qu'elle n'ait pu ouvrir la bouche, un rugissement fusa.

— Salope ! hurla soudain Giles. Tu nous as vendus, ordure !

— Non ! protesta-t-elle, interdite.

Elle réalisa alors que les gardes qui l'avaient menée jusque-là étaient restés en arrière, invisibles. Elle avait surgi de l'ombre, derrière le Seigé, et comme elle n'était ni menottée ni entravée d'aucune sorte...

Encore une mise en scène de Leftarm !

— Allons donc, Claire, fit le Seigé sans se retourner, vous savez bien que ce n'est pas la peine de discuter avec cette engeance. J'avoue que je n'avais pas pensé que vous nous ramèneriez du si beau gibier. Rien de moins que Camyl Dadellei et la famille DeVignes ! Je n'en espérais pas tant.

Comme s'il l'attendait, il intima alors aux soldats qui entourait les Libertans :

— Emmenez-les !

— Non ! cria-t-elle,  s'interposant sans réfléchir.

Toutes ses résolutions s'évanouissaient devant le spectacle qu'elle avait devant elle, devant la déception qu'elle lisait dans les yeux de Marc et Camyl, devant la fin de tous ses espoirs.

Elle savait pertinemment que c'était une folie. Que pouvait-elle faire contre tous ces soldats... et contre son professeur ?

— Allons, Claire, ne vous ridiculisez pas, dit simplement le Seigé. Il me semble que vous avez bien d'autres choses à penser.

— Alors pourquoi m'avez-vous fait venir ici ? s'insurgea-t-elle en se tournant vers lui.

— Mais simplement pour vous ôter cet espoir futile de l'esprit, voyons ! Vous pensiez vraiment qu'ils parviendraient à leurs fins ici et règleraient votre petit dilemme, non ?

Il ajouta, presque négligemment :

— Vous le pensiez même si fort que ça a été un jeu d'enfant de les retrouver.

Elle se figea à ces mots, incrédule. Quand l'ampleur de sa responsabilité lui apparut dans toute sa splendeur, elle se sentit sombrer.

Giles a raison... C'est encore totalement ma faute !

Comment avait-elle pu être négligente à ce point ? Toute à ses tergiversations, pensant si fort aux Libertans... évidemment que le Seigé avait lu ses pensées. Même lorsqu'il n'était plus à ses côtés ! Comment avait-elle pu oublier de quoi il était capable ? Pour lui, ça avait dû être un jeu d'enfant !

Difficile d'imaginer une pire crétine, décidément !

Dans son trouble, retournant toutes les options possibles dans sa tête, elle avait relâché sa vigilance, et lui donné toutes les clés qui lui permettaient d'accéder aux Libertans.

C'était pour ça qu'il lui avait laissé tant de temps pour réfléchir !

Il n'avait jamais eu l'intention de lui proposer un marché. Il l'avait juste troublée suffisamment pour lui arracher les rares informations qu'elle détenait sans même qu'elle ne s'en rende compte. Il n'avait sans doute même pas eu besoin de consulter le réseau de surveillance... Il lui suffisant de piocher dans sa tête, comme il l'avait toujours fait.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant