Ce jour-là, exceptionnellement, c'était relâche.
Les jours de repos étaient une denrée rare à Bhénak. Certes, l'usage galactique voulait que le dixième jour de chaque décade soit un jour chômé, auquel se rajoutait le jour intermess une fois par mois, mais ce genre de considération n'avait, jusqu'à présent, pas concerné l'entraînement de Claire. Si elle ne descendait effectivement pas au Centre ces jours-là, elle continuait à prendre des cours avec Inause et le Lieutenant, sans compter, bien sûr, les convocations aléatoires du Seigé. C'était devenu sa routine, son quotidien, et elle n'imaginait pas que ses journées puissent se dérouler autrement.
Aussi quand ce matin-là apprit-elle que son professeur virtuel serait indisponible pendant plusieurs heures pour cause de mise à jour, se retrouva-t-elle quelque peu dépourvue devant tant de temps libre imprévu. D'autant plus que Leftarm étant parti hors-planète la veille, il y avait peu de risques qu'elle ait droit à une séance dans le Grand Bureau ce soir-là. Tout juste aurait-elle, en fin de journée, son entraînement quotidien avec le Lieutenant.
A quoi allait-elle bien donc pouvoir occuper toute cette journée ? Bien sûr, elle pouvait étudier, méditer, s'entraîner... ses divers instructeurs auraient probablement eu tout un tas de suggestions pour lui éviter de s'ennuyer ! Mais rien ne la tentait moins que de passer la journée enfermée dans sa chambre, et elle décida alors de sortir passer la journée dehors. Non pas hors de Bhénak – cela, c'était encore et toujours interdit, hormis en sessions de mise en situation – mais sur la Colline, de l'autre côté de l'Esplanade. Le plus loin possible des murs austères de la Résidence, dans la nature – aussi peu naturelle que soit la végétation faussement embroussaillée qui entourait Bhénak.
Redoutant qu'un ordre de dernière minute ne vienne contrecarrer ses plans, elle se rendit dans la salle commune, heureusement vide à cette heure, et brava l'un des interdits de la Coordinatrice en commandant de la nourriture qui puisse facilement s'emporter à l'extérieur : des fruits et divers biscuits secs.
Le cœur battant devant la transgression, elle dissimula prestement ses prises dans sa tunique. Elle savait bien que ses faits et gestes étaient surveillés, qu'elle était susceptible de recevoir une réprimande pour son non-respect des règles, mais depuis quelques temps, elle se sentait d'humeur frondeuse.
Elle toujours si sage et si respectueuse sentait bouillir ces derniers temps comme un appel, un vent de révolte. Pas vraiment contre le Seigé, non, mais contre toutes ces règles et procédures qui régissaient la vie à Bhénak, et particulièrement dans le Secteur B.
Au fur et à mesure que grandissaient son assurance et sa confiance en elle, entraînement après entraînement, elle supportait de moins en moins l'atmosphère confinée de la Résidence et la discipline stricte imposée au moindre élément de la vie quotidienne par l'austère Elanore Matoovhu - et ses autres chaperons.
Depuis son incursion au Hangar Trois, elle avait réalisé qu'elle possédait un certain pouvoir – un pouvoir qui n'avait rien à voir avec le poeïr. Elle avait toujours su que son Code Rouge lui permettait beaucoup de choses, mais elle n'en avait jamais visualisé les pleines possibilités, ni l'effet qu'il pouvait avoir sur les gens.
L'incident avec le garde lui trottait encore dans la tête, ainsi que les énigmatiques mises en garde du Seigé. Elle n'avait pas vraiment envie de provoquer de nouveau ce genre de situation – d'ailleurs, elle se doutait que son employeur n'aurait pas approuvé – mais le frisson de pouvoir qu'il lui avait procuré était dur à oublier.
Aussi était-ce pour cela qu'elle avait commencé à se promener de plus en plus souvent dans Bhénak, poussant de plus en plus loin ses investigations, en dehors du périmètre somme toute restreint qu'elle s'autorisait jusqu'alors – du Centre de Formation au Secteur B en passant par le Grand Bureau et le Hangar Dix-Sept.
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Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1
Science Fiction"A ce moment-là, la jeune fille sentit son cœur s'arrêter de battre. Elle comprit que ce soir-là, elle allait mourir. Elle était trop terrifiée, elle était trop hébétée, elle était trop stupéfaite pour se poser des questions sur cette mise en scène...