Chapitre 29

70 10 19
                                    

Quelques couloirs plus loin, elle avisa une porte avec un de ces symboles qu'elle avait appris à reconnaître. Elle se réfugia à l'intérieur, notant avec soulagement que les toilettes étaient vides. Elle s'y enferma.

Elle avait besoin de réfléchir.

Cet entretien qui n'en était pas un, dont elle ne saisissait pas le but, et l'altercation (fortuite, ou préméditée... ?) qui l'avait suivie, l'avaient laissée complètement désorientée. La tension du combat était retombée, et si elle était fière d'avoir réussi à tenir tête à deux combattantes manifestement aguerries, elle avait la curieuse impression, quelque part, de s'être fait avoir.

Les questions se bousculaient dans sa tête alors qu'elle défroissait son uniforme et tentait tant bien que mal de se recoiffer. Elle pensait avoir laissé derrière elle ses hésitations et ses doutes, confiante en elle et en son poeïr, et elle découvrait qu'il n'en était rien, qu'il suffisait des remarques dédaigneuses d'un petit homme agressif derrière son bureau, de l'attitude impassible de son employeur, des moqueries hautaines de deux guerrières, pour faire éclater cette bulle de confiance si durement gagnée.

Quelle déception elle avait dû provoquer chez son mentor ! Après tout, il n'avait fait que dire la vérité, elle était une jayn. Pas spécialement jolie, en plus.

Elle s'examina dans le miroir. Elle n'avait jamais prétendu être un canon de beauté, et s'en moquait généralement, mais les piques sur son physique étaient peut-être celles qui l'avaient le plus atteinte, aujourd'hui.

Elle sentit les larmes monter à nouveau, et les essuya d'un geste rageur.

Ah non ! Je me suis déjà suffisamment ridiculisée comme ça !

C'était comme si toute la maîtrise, le contrôle si durement acquis, avaient disparu en un instant, sous le regard froid du Directeur, la laissant hésitante, bredouillante... Et ensuite, elle avait cédé à une provocation basique, et s'était battue avec le service de sécurité du palais présidentiel !

Magnifique. Je me suis surpassée.

Et il y avait autre chose, bien sûr. Elle qui pensait que sa maîtrise du poeïr se faisait de plus en plus fine, de plus en plus précise, avait pourtant bien cru sentir chez le Directeur une haine tenace, et virulente, envers elle.

C'est n'importe quoi... J'ai dû me tromper ! Je l'ai jamais vu, ce type ! Pourquoi il s'embêterait à me détester, moi, une jayn de rien du tout, justement ? C'est le gars le plus puissant du Quadrant, tu parles qu'il a du temps à perdre avec ça !

Le plus probable, c'est qu'elle avait juste été vexée que son professeur utilise pour la désigner ce satané terme de jayn. Tout le reste, elle l'avait imaginé.

Sauf son indifférence. Qui n'en était pas vraiment, elle l'aurait juré.

Mais il a sans doute ses raisons de se comporter comme ça devant son patron. Je me cherche juste des excuses ... !

Elle s'était ridiculisée dans le bureau du Directeur en seulement quelques mots. Elle ne savait pas ce que son professeur attendait d'elle ce jour-là, mais elle n'avait clairement pas passé le test.

Et la bagarre ensuite, était-ce également un test ? Aurait-elle dû passer son chemin ? La provocation avait-elle été faite à dessein, ou n'était-ce qu'un hasard ? Dans tous les cas, elle savait qu'elle n'aurait pas dû s'emporter ainsi. Dans son état normal, elle se serait contentée de sourire d'un air supérieur, et de sortir tranquillement de la pièce, sans faire de vagues.

Eh bien, c'est réussi ! J'ai pleuré, et je me suis battue ! Tu parles d'une Assistante !

Et maintenant ? Devait-elle retourner immédiatement à Bhénak ? Elle savait qu'elle ne devait pas attendre le Seigé, car dans la navette qui les amenait au Mont Miroir, il l'avait prévenue qu'elle devrait rentrer par ses propres moyens.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant